Edito. Incarcération de Nicolas Sarkozy : une première dans l’histoire présidentielle française et un verdict qui interpelle
L’ancien président français Nicolas Sarkozy (au centre), accompagné de son épouse Carla Bruni-Sarkozy (2e à droite) et escorté par des policiers, quitte son domicile pour se présenter à la maison d’arrêt de La Santé où il purgera une peine de cinq ans de prison. JULIEN DE ROSA / AFPCondamné le 25 septembre par le tribunal de Paris à une peine de 5 ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2007 qu’il avait remportée, l’ancien président français, Nicolas Sarkozy a été incarcéré ce mardi 21 octobre 2025 à la prison de la santé à Paris. Il a aussi une amende de 100.000 euros dont il doit s’acquitter. Par ailleurs, la justice a prononcé à son encontre une interdiction d’occuper une fonction publique et une inéligibilité, le tout pendant une durée de 5 ans.
L’entrée en prison de l’homme de 70 ans a suscité un certain émoi médiatique et une mobilisation de ses proches, principalement ses fils pour attirer l’attention sur le sort que la justice française réserve à un ancien président de la République.
Ses amis politiques, dont l’actuel ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et le président Emmanuel Macron lui ont également témoigné leur marque d’affection. Le premier a annoncé qu’il ira lui rendre visite en prison pour jauger de ses conditions de détention, alors que le second l’a reçu en audience privée vendredi 17 octobre à quelques jours de son incarcération. Ses diverses manifestations se justifient par le fait que le Nicolas Sarkozy n’est pas un prisonnier comme un autre en raison de son statut d’ancien chef de l’Etat et que c’est la première fois dans l’histoire de la République qu’un ancien président se retrouve derrière les barreaux.
Certes, ses avocats ont annoncé l’intention de l’intéressé de faire appel de sa condamnation et de faire, dans la foulée, une demande de libération conditionnelle. Mais il restera quelques jours en prison.
Nicolas Sarkozy ne doit bénéficier d’aucun régime de faveur qui dépasse celui réservé aux prisonniers susceptibles de faire l’objet de menaces ou d’agressions en prison.
Au-delà de ces considérations politiques et de ces marques de soutien amical de son entourage, Nicolas Sarkozy, demeure un justiciable comme un autre et doit être traité comme tel. Il ne doit bénéficier d’aucun régime de faveur qui dépasse celui réservé aux prisonniers susceptibles de faire l’objet de menaces ou d’agressions en prison.
Un responsable politique se doit d’avoir un comportement exemplaire du fait de son statut de représentant ou d’ancien représentant du peuple, mais la condamnation de Nicolas Sarkozy et ses dispositions d’application interpellent à plusieurs égards. Il n’est pas ici question de s’attaquer aux magistrats qui ont prononcé la sentence. Mais force est de constater que leur verdict dans ce dossier lié au financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy a de quoi susciter des interrogations.
Sur le verdict, l’ancien président est condamné pour association de malfaiteurs, mais cette infraction suppose que les criminels se sont associés pour commettre un crime. Sauf qu’ici, Nicolas Sarkozy a été acquitté des accusations de corruption passive, de recel de détournement de fonds publics libyens et de financement illégal de sa campagne victorieuse de 2007. Les juges n’ont donc pas suivi le Parquet National Financier (PNF) qui présentait l’ancien président comme le bénéficiaire de la corruption par le financement de sa campagne.
Un responsable politique se doit d’avoir un comportement exemplaire du fait de son statut de représentant ou d’ancien représentant du peuple, mais la condamnation de Nicolas Sarkozy et ses dispositions d’application interpellent à plusieurs égards.
Donc dans le chef de Nicolas Sarkozy, l’association de malfaiteurs n’a rien donné comme conséquence puisqu’il est acquitté des conséquences d’une telle accusation. Donc, la justice considère qu’il avait l’intention de commettre un acte criminel ou aurait dû savoir ce que faisaient ses collaborateurs. Or, ce n’est pas toujours le cas et visiblement aucune preuve ne vient confirmer l’analyse des juges.
Un autre élément troublant dans le dossier est que trois autres personnes poursuivies ont bénéficié d’un non-lieu dont Eric Woerth, l’ancien trésorier de la campagne de Sarkozy.
L’exécution provisoire de la peine imposée à Nicolas Sarkozy et qui lui vaut son incarcération ce mardi 21octobre 2025 titille aussi l’esprit. La disposition existe dans le code pénal, mais il s’agit d’une disposition dont il ne faudrait pas faire usage avec légèreté. Elle devrait s’imposer quand le condamné est un danger pour la société, est susceptible de s’enfuir ou pourrait s’adonner directement à une tentative de subordination de témoins. Car conformément au code de procédure pénale en vigueur dans les démocraties occidentales, une peine de prison ne peut être mise à exécution que si la condamnation est définitive et que les voies de recours sont épuisées.
Conformément au code de procédure pénale en vigueur dans les démocraties occidentales, une peine de prison ne peut être mise à exécution que si la condamnation est définitive et que les voies de recours sont épuisées.
Or ici, Nicolas Sarkozy a émis immédiatement son intention d’aller en appel (ce qui signifie qu’il est toujours présumé innocent) et il est loin d’être un danger pour la société ou qu’on pourrait lui prêter l’intention de prendre la poudre d’escampette et de se réfugier à l’étranger.
Certes Nicolas Sarkozy a d’autres dossiers à régler avec la justice (enquête préliminaire ouverte en 2021 pour trafic d’influence pour avoir reçu 500.000 euros dans le cadre d’un contrat de conseil auprès du groupe d’assurances russe Reso-Garantia, affaire Bygmalion dans le cadre d’une enquête pour financement de sa campagne de 2012 avec des suspicions de fausses factures, etc.), mais le verdict et les dispositions d’exécution de la peine dans le dossier libyen laissent songeur…
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Source: LPOST
