Royaume-Uni : 10 Britanniques ayant servi l’armée israélienne visés par une plainte pour crimes de guerre à Gaza


Royaume-Uni : 10 Britanniques ayant servi l’armée israélienne visés par une plainte pour crimes de guerre à Gaza
Des avocats britanniques, spécialisés dans les droits humains, viennent de déposer une plainte  contre dix citoyens britanniques ayant servi dans l’armée israélienne entre octobre 2023 et mai 2024. Cette plainte, adressée à l’unité des crimes de guerre de la police métropolitaine, vise des actes présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza, notamment à Gaza City, Khan Younès et dans le nord de l’enclave. Ce recours inédit au droit pénal international britannique s’inscrit dans un contexte de mobilisation croissante pour la justice en Palestine et soulève de sérieuses interrogations sur l’implication de ressortissants occidentaux dans des opérations militaires controversées à l’étranger. Cette initiative est portée par le Public Interest Law Centre (PILC) et le Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR). Elle est menée par l’avocat Michael Mansfield KC, une figure majeure du barreau britannique, célèbre pour avoir défendu les familles des victimes de l’affaire Hillsborough ou de la mort de Stephen Lawrence. L’avocat insiste sur l’obligation morale et légale de poursuivre ces crimes.« Nous avons été témoins de crimes internationaux. Nos dirigeants n’ont rien fait ou presque pour empêcher les souffrances de millions de Palestiniens innocents », a-t-il déclaré. Pour les plaignants, cette démarche vise à faire bouger une diplomatie britannique jugée complice par son inaction face aux exactions à Gaza.
Des preuves jugées accablantes
La plainte repose sur un rapport de 240 pages, fruit de six mois d’enquête, qui documentent une série de violations graves du droit international humanitaire. Parmi les éléments avancés : l’usage disproportionné de la force, des bombardements indiscriminés, l’attaque de structures médicales et éducatives, des exécutions extrajudiciaires, ainsi que la participation directe de certains des suspects à des opérations de ciblage contre des civils, y compris des enfants.
Le rapport contient aussi des captures d’écran de réseaux sociaux et des témoignages de survivants recueillis sur le terrain, attestant d’un mépris manifeste pour les principes fondamentaux de la guerre.
Le public britannique sera profondément choqué d’apprendre que certains de ses concitoyens ont été directement impliqués dans ces atrocités.
Certaines scènes décrites dans le rapport sont particulièrement choquantes : un hôpital de Khan Younès où des patients ont été abandonnés à leur sort, un bulldozer militaire israélien écrasant un cadavre dans une cour avant de détruire un service de chirurgie, ou encore l’utilisation de drones pour cibler des groupes de civils fuyant les bombardements.
Des experts médico-légaux, des analystes de vidéos et des juristes internationaux ont été mobilisés pour authentifier ces données. Me Sean Summerfield, co-auteur du rapport, estime que « le public britannique sera profondément choqué d’apprendre que certains de ses concitoyens ont été directement impliqués dans ces atrocités ».
Une base juridique solide
Cette action judiciaire repose sur l’article 51 du « International Criminal Court Act » de 2001, qui permet au Royaume-Uni de poursuivre ses ressortissants pour des crimes de guerre, même s’ils ont été commis à l’étranger. Ce mécanisme de compétence universelle fait du Royaume-Uni l’un des rares pays à pouvoir lancer des enquêtes nationales sur la base du droit pénal international. Les avocats du Public Interest Law Centre (PILC) s’appuient sur cette législation pour demander à la police britannique d’enquêter, voire d’arrêter les suspects lorsqu’ils seront sur le sol britannique.
La possession d’une double nationalité ne saurait exonérer un citoyen britannique de ses responsabilités pénales.
Le recours à cette loi est d’autant plus justifié que plusieurs des personnes visées par la plainte sont actives sur les réseaux sociaux, où elles ont partagé des images et des récits de leur participation aux opérations militaires en Palestine.
Certaines ont même donné des interviews dans des médias britanniques, revendiquant leur implication dans l’armée israélienne. Selon Me Mansfield, cela constitue une base suffisante pour engager des poursuites, d’autant que « la possession d’une double nationalité ne saurait exonérer un citoyen britannique de ses responsabilités pénales ».
Un contexte international explosif
Cette plainte intervient dans un contexte de tensions extrêmes au Proche-Orient, alors que la guerre à Gaza, déclenchée après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, a causé la mort de plus de 50 000 Palestiniens, selon les dernières estimations d’organisations humanitaires.
L’intensité des bombardements israéliens, la durée du conflit, l’ampleur des destructions et l’absence de sanctions internationales ont conduit de nombreuses ONG à dénoncer une impunité persistante. Le dossier déposé à Londres fait écho aux nombreuses initiatives en cours pour briser cette impunité, notamment celles devant la Cour pénale internationale (CPI).
L’intensité des bombardements israéliens, la durée du conflit, l’ampleur des destructions et l’absence de sanctions internationales ont conduit de nombreuses ONG à dénoncer une impunité persistante.
Le Royaume-Uni, comme plusieurs puissances occidentales, a été critiqué pour son soutien diplomatique constant à Israël, même face à des accusations étayées de crimes contre l’humanité. Le dépôt de cette plainte pourrait ouvrir une brèche dans le mur d’indifférence politique et médiatique, en remettant au cœur du débat public la question de la complicité des Etats occidentaux.
Cette plainte vise aussi à forcer le Royaume-Uni à appliquer ses propres lois, alors que le gouvernement de Keir Starmer est accusé par des députés de l’opposition de fermer les yeux sur les crimes israéliens sous prétexte de « sécurité stratégique ».

AFP
Un garçon palestinien est assis sur un récipient en plastique après s’être réapprovisionné en eau à un point de distribution d’un camp de déplacés à l’ouest de la ville de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 11 mars 2025. (Photo par BASHAR TALEB / AFP)
Et maintenant ?
La suite dépendra de la réaction des autorités britanniques. La division antiterroriste de Scotland Yard, compétente en matière de crimes de guerre, peut désormais décider d’ouvrir une enquête officielle, voire d’émettre des mandats d’arrêt si les éléments présentés sont jugés suffisants.
Il s’agit d’une procédure complexe mais potentiellement historique, qui pourrait donner lieu à la première poursuite pénale de ressortissants britanniques pour crimes commis dans un conflit israélo-palestinien. Les avocats du PILC espèrent aussi créer un précédent pour d’autres pays européens, en montrant qu’il est possible d’agir au nom du droit international.
Si les lois sur les crimes de guerre ne s’appliquent pas à Gaza, alors où s’appliquent-elles ?
Au-delà de l’affaire judiciaire, c’est aussi un message politique qui est envoyé : les citoyens occidentaux engagés volontairement dans des armées étrangères ne peuvent pas bénéficier d’une immunité automatique.
Dans une lettre ouverte signée par plusieurs dizaines d’avocats et universitaires britanniques, le gouvernement est sommé d’agir. « Si les lois sur les crimes de guerre ne s’appliquent pas à Gaza, alors où s’appliquent-elles ? », interpellent les auteurs du courrier. Cette affaire marque peut-être le début d’un changement de paradigme, où les droits humains ne seront plus sacrifiés sur l’autel des alliances géopolitiques.
Hamid Chriet
L’article Royaume-Uni : 10 Britanniques ayant servi l’armée israélienne visés par une plainte pour crimes de guerre à Gaza est apparu en premier sur L-Post.
Source: LPOST

Check Also

Wallonie : Près de 20.000 sans-abris, dont un quart d’enfants

Wallonie : Près de 20.000 sans-abris, dont un quart d’enfants À Charleroi, Namur et …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.