Le débat sur la pluralité des médias fait rage en France avec CNews et C8 dans la ligne de mire
Depuis plusieurs jours maintenant, le débat sur la pluralité des médias a repris du gallon en France. Alors que l’Arcom, l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, est chargée d’auditionner, dans les prochains mois, les médias candidats à l’agrément pour la Télévision numérique terrestre (TNT). Les chaînes candidates à l’attribution des 15 canaux diffusés gratuitement sur les télés françaises doivent cependant se plier à un cahier des charges précis garantissant la pluralité d’opinions et l’indépendance journalistique. Or, deux chaînes sont sous le feu d’attaques virulentes pour le non-respect de ces obligations : C8 et CNews qui font partie du groupe de médias du milliardaire français, Vincent Bolloré. Elles font l’objet d’une pétition qui demande que leur agrément à la TNT ne soit pas renouvelé.
C8 et CNews, les deux chaînes qui appartiennent au magnat des médias Vincent Bolloré, font en effet l’objet d’une pétition qui réclame le non-renouvellement de leurs agréments. Cette pétition a aussi été publiée en tant que lettre ouverte dans le journal L’Humanité et est co-signée par Sophie Taillé-Polian, députée Génération.s (parti de Benoît Hamon) du Val-de-Marne, vice-présidente du groupe écologiste, chargée de l’intergroupe Nupes (Nouvelle union populaire, écologiste et sociale), et Latifa Oulkhouir, ex-journaliste, directrice de l’organisation de mobilisation citoyenne, Le Mouvement. Elles rappellent en effet que les deux chaînes ont de nombreuses fois fait l’objet de plaintes et de sanctions de l’Arcom pour le manque de pluralisme d’opinions et les nombreux propos racistes ou homophobes qui ont été proférés sur leurs plateaux.
Pas moins de 34 interventions ont été recensées en deux ans pour signaler des faits de désinformation, de racisme, de sexisme, d’incitation à la haine, de non-respect du pluralisme.
34 interventions en deux ans
En effet, en deux ans, les deux chaînes ont fait l’objet de plusieurs interventions, comme le souligne la pétition : « Pas moins de 34 interventions ont été recensées en deux ans pour signaler des faits de désinformation, de racisme, de sexisme, d’incitation à la haine, de non-respect du pluralisme, d’un manque d’honnêteté dans l’information ».
La plus récente de ces incartades des deux chaînes date de janvier dernier lorsque l’émission de Cyril Hanouna « TPMP » (acronyme de Touche Pas à Mon Poste) sur C8 avait été sanctionnée par l’Arcom (Autorité de regulation des médias audiovisuels) avec une amende de 50.000 euros pour une séquence diffusée en janvier 2023 et dans laquelle les chroniqueurs auraient tenus « porté des propos de nature à porter atteinte aux droits, au respect de [l’]honneur et de [l]a réputation », de Joy Hallyday (âgée à l’époque de 14 ans), fille de Johnny et Laeticia Hallyday.
AFP
Cette photo d’illustration prise le 26 mars 2019 montre le logo de la chaîne de télévision française C8, affiché sur l’écran d’une tablette à Paris. (Photo par Lionel BONAVENTURE / AFP)
Groupe de média en déficit à cause des amendes
Cependant, les amendes en cascade ne semblent pas dissuader les deux chaînes. La pétition mise en ligne par Le Mouvement indique que « ces chaînes se contentent de payer les amendes sans que rien ne change mis à part la qualité du débat public qui se détériore de jour en jour et notre société qui se fractionne toujours un peu plus ».
Ces chaînes se contentent de payer les amendes sans que rien ne change mis à part la qualité du débat public qui se détériore de jour en jour.
Le groupe Vivendi, propriété du milliardaire, qui chapeaute les chaînes CNews et C8 mais aussi le groupe Canal+, perdrait de l’argent, suite notamment aux nombreuses amendes qu’ils ont dû payer. Selon le rapport de Sextant Expertise pour le comité de groupe de Vivendi, sur les 4 chaînes du groupe, 3 seraient en déficit, dont CNews qui enregistre un déficit de 23 millions d’euros.
Des opinions plutôt que des faits
Ce qui dérange le plus les auteurs de la pétition, c’est le manque de pluralité d’opinions pour lequel les deux chaînes ont été sanctionnées par l’Arcom plusieurs fois. La pétition dénonce en effet la mise en avant flagrante des idées d’extrême droite par CNews et C8. Les deux chaînes feraient en effet la part belle à ces idées, notamment en mettant en avant des personnalités politiques comme Eric Zemmour, chroniqueur (payé?) sur CNews. C’est sur ces chaînes que le chroniqueur a pu prendre de l’ampleur et a pu se lancer en politique en se présentant aux présidentielles de 2022. Grâce aux deux chaînes, il a bénéficié d’une couverture médiatique privilégiée à l’époque où il y était régulièrement invité.
Lors de la campagne présidentielle, en effet, beaucoup s’étaient interrogés sur les conséquences électorales que cette surexposition engendrerait. Dans les faits, les envolées dans les sondages dont avait bénéficié Eric Zemmour étaient corrélées avec ses nombreuses apparitions sur CNews et C8. Il avait alors même fait de l’ombre à Marine Le Pen, ce qui avait alors fortement inquiété son parti. « Plus on parle de lui, plus il montera dans les sondages. On n’est pas à armes égales », s’était plaint l’eurodéputé du Rassemblement national (RN) Jean-Paul Garraud.
Le groupe Vivendi menacerait de ne plus soutenir financièrement le cinéma via le groupe Canal+, si C8 et CNews n’obtiennent pas le renouvellement de l’agrément de l’Arcom.
Les chroniqueurs des deux chaînes sont aussi régulièrement épinglés à titre personnel par l’Arcom pour leurs propos homophobes ou racistes, qui, au-delà d’être sanctionnés par l’industrie des médias, sont aussi passibles de sanctions pénales. Même si plusieurs personnalités qui ont dérapé ont été écartées ou ont démissionné, cela ne réduit pas l’exposition dont jouissent les idéologies d’extrême droite selon les auteurs de la pétition : « De plus en plus, les idées d’extrême-droite ne sont plus questionnées mais plutôt présentées comme des faits à partir desquels tout l’échiquier politique devrait se positionner. Les personnalités représentant ces idées sont omniprésentes dans le champ médiatique tant chez les politiques invités que chez les chroniqueurs salariés des médias, comme en témoigne l’ascension d’Eric Zemmour sur CNews ».
Un manque de journalistes
Enfin, le dernier point que la pétition souligne est le manque flagrant de journalistes dans les équipes de CNews, qui théoriquement dans son cahier des charges signé avec le régulateur, doit être en premier lieu une chaîne d’information. « Depuis 2015 et le rachat d’iTélé (ancêtre de CNews) par Vincent Bolloré, le nombre de journalistes employés par la chaîne a baissé de 17,5%. En réduisant drastiquement et délibérément le temps d’antenne consacré à l’information, et en faisant la part belle à l’expression d’une opinion, sans aucun respect du pluralisme, CNews est devenue une chaîne d’opinion et ne peut plus être considérée comme une chaîne d’information comme l’indique sa convention avec l’Arcom ».
Selon certaines sources, le groupe Vivendi menacerait de ne plus soutenir financièrement le cinéma via le groupe Canal+, si C8 et CNews n’obtiennent pas le renouvellement de l’agrément de l’Arcom.
Léna Job
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Source: LPOST