Visite du président allemand à Londres : une première depuis 27 ans qui scelle le retour de Londres sur l’échiquier européen
La visite d’État du président allemand, Frank-Walter Steinmeier, au Royaume-Uni, du 3 au 5 décembre 2025, constitue un moment diplomatique rare : c’est la première venue d’un président fédéral allemand depuis 27 ans. Si le protocole royal reste bien présent — garde d’honneur, procession vers Windsor, banquet dans la salle Saint-George —, il ne saurait masquer la portée stratégique de ce déplacement. À l’heure où Londres redéfinit son rôle sur le continent après le Brexit, Berlin et le gouvernement britannique cherchent à reconstruire un partenariat solide, nourri par la mémoire, des intérêts convergents et la nécessité d’un dialogue bilatéral renforcé : sécurité européenne, coopération militaire, transition énergétique, lutte contre l’immigration irrégulière, etc.
Cette visite s’inscrit dans le sillage de celle du président français, Emmanuel Macron, en juillet 2025, qui avait marqué le retour d’une diplomatie bilatérale ambitieuse entre Londres et les grandes capitales européennes.
Le fait que les présidents français et allemand se rendent successivement à Londres illustre la volonté continentale de renouer avec le Royaume-Uni non plus par le prisme bruxellois, mais à travers des liens directs et structurés, adaptés à l’ère post-Brexit.
Le fait que les présidents français et allemand se rendent successivement à Londres illustre la volonté continentale de renouer avec le Royaume-Uni non plus par le prisme bruxellois, mais à travers des liens directs et structurés, adaptés à l’ère post-Brexit. Elle fait également suite à la signature du traité de Kensington, premier accord de portée générale entre les deux pays depuis la sortie de l’Union européenne, et se présente comme la visite d’État « retour » de celle effectuée par Charles III en Allemagne en 2023.
Soft power royal : quand le cérémonial soutient la diplomatie
Accueilli à Heathrow par le prince et la princesse de Galles, avant d’être escorté vers Windsor, le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, bénéficie des attributs traditionnels de la monarchie britannique, sans que le décorum n’éclipse les enjeux politiques. La famille royale joue un rôle mesuré, mais efficace, projetant stabilité et continuité à un moment où Londres tente de compenser la réduction de son influence institutionnelle en Europe.
Après la cérémonie de bienvenue et un déjeuner royal, Steinmeier visite une exposition du Royal Collection Trust consacrée aux liens historiques entre les Windsor et l’Allemagne, rappelant combien l’histoire continue de modeler la relation bilatérale. Pourtant, l’essentiel se trouve ailleurs : dans les discussions politiques, économiques et stratégiques qui jalonnent la visite.
Downing Street au cœur de la visite : redéfinir la relation post-Brexit
Le temps fort de la première journée survient à Downing Street, où Frank-Walter Steinmeier rencontre Keir Starmer, Premier ministre depuis juillet 2024. Depuis plusieurs années, Londres et Berlin évoluent en parallèle, parfois en friction, sans véritable architecture bilatérale durable. Le changement de gouvernement britannique a ouvert une fenêtre de rapprochement : l’ex-Premier ministre, Rishi Sunak, avait amorcé un réchauffement discret, que Keir Starmer entend consolider.
Les deux capitales visent aujourd’hui un cadre flexible, mais ambitieux pour traiter les dossiers où leurs intérêts convergent.
Les deux capitales visent aujourd’hui un cadre flexible, mais ambitieux pour traiter les dossiers où leurs intérêts convergent : sécurité européenne, coopération militaire, transition énergétique, politique industrielle, innovation technologique, recherche universitaire et résilience des chaînes d’approvisionnement.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer s’entretient avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier au 10 Downing Street, à Londres, le 3 décembre 2025, premier jour de la visite d’État de trois jours du président allemand. (JUSTIN TALLIS / POOL / AFP).
Soutien conjoint à l’Ukraine
Le soutien conjoint à l’Ukraine, moteur central du rapprochement depuis 2022, sert de colonne vertébrale à cette relation renouvelée. Londres et Berlin, détenteurs des deux plus importants budgets militaires d’Europe occidentale, ont signé un accord de coopération en matière de défense, bientôt suivi d’un traité d’amitié incluant la lutte contre l’immigration irrégulière.
Dans ce contexte, la Bundeswehr reconfigure sa posture stratégique, avec des scénarios de mobilisation à grande échelle rappelant la guerre froide. Le rapprochement avec Londres acquiert ainsi une dimension nouvelle, à la fois opérationnelle et politique.
Londres et Berlin, détenteurs des deux plus importants budgets militaires d’Europe occidentale, ont signé un accord de coopération en matière de défense.
Le dîner d’État à Windsor, ponctué par les discours du roi Charles III et du président allemand, officialise ce que les échanges de Downing Street traduisent déjà : la nécessité de resserrer les liens malgré le Brexit et de consolider un partenariat devenu essentiel pour l’équilibre continental.
Mémoire, réconciliation et projection vers l’avenir
La deuxième journée s’ouvrira sous le signe de la mémoire. À la chapelle Saint-George, Steinmeier rendra hommage à la reine Elizabeth II, geste symbolique fort inscrit dans la longue histoire de réconciliation entre les deux pays.
À Westminster, il déposera une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu avant de s’adresser aux parlementaires dans la Royal Gallery, un honneur réservé à un cercle très restreint de dirigeants étrangers. Il y plaidera pour la résilience démocratique, mettra en garde contre les populismes et appellera à une coopération européenne ouverte, dépassant les frontières institutionnelles post-Brexit.
À Westminster, il déposera une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu avant de s’adresser aux parlementaires dans la Royal Gallery, un honneur réservé à un cercle très restreint de dirigeants étrangers.
L’après-midi mêlera diplomatie culturelle et sportive : rencontre avec des footballeurs allemands de Premier League et visite du V & A East Storehouse.
Le troisième jour conduira la délégation à Coventry, symbole puissant de destruction et de réconciliation, puis à Oxford, où Steinmeier découvrira des projets de recherche liés à la médecine, aux technologies émergentes et à la gouvernance démocratique — autant de domaines où les partenariats germano-britanniques demeurent intenses malgré la bureaucratie née du Brexit.
Recomposer l’échiquier européen : Berlin, Londres et la nouvelle donne
Au terme de ces trois jours, une dynamique se confirme : l’Europe réinvente sa relation avec un Royaume-Uni désormais extérieur aux institutions communautaires, mais central pour la sécurité, la transition énergétique, l’innovation et la défense des valeurs démocratiques.
L’Europe réinvente sa relation avec un Royaume-Uni désormais extérieur aux institutions communautaires, mais central pour la sécurité, la transition énergétique, l’innovation et la défense des valeurs démocratiques.
Après Paris en juillet, Berlin s’engage à son tour dans ce dialogue renouvelé. La famille royale fournit le symbole, tandis que les dirigeants s’attellent au cœur du chantier : refonder un partenariat européen avec un Royaume-Uni dont l’importance stratégique demeure incontestable.
Et dans ce jeu complexe, Londres ne revient pas comme acteur périphérique, mais comme pièce maîtresse sur l’échiquier européen, que Berlin, Paris et Bruxelles doivent désormais réintégrer dans la partie.
Alexander Seale (au Royaume-Uni)
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Source: LPOST

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