Carte blanche. Comment les COP ont transformé la diplomatie en cirque itinérant pendant que les émissions de CO₂ explosaient


Carte blanche. Comment les COP ont transformé la diplomatie en cirque itinérant pendant que les émissions de CO₂ explosaient
Après trente-six années passées au sein de la Commission européenne, dont une grande partie en tant que responsable des politiques climatiques, j’ai estimé qu’il était temps d’écrire ce livre. Non pas par un regard critique tourné vers le passé, mais parce que la réalité des faits mérite d’être clarifiée, et que certaines limites ont été largement dépassées depuis longtemps.
« La vérité sur les COP. Trente ans d’illusion » n’est pas un énième ouvrage sur l’indigeste science climatique ; on n’en a que faire à présent que le débat est devenu si idéologique. Comme pour la question du filioque, ce différend théologique latin qui a opposé l’Église d’Occident à celle d’Orient pendant des siècles, jusqu’à ce que Charlemagne impose une forme de résolution, quelqu’un devra bien dire un jour stop… peut-être dans quelques siècles.
Sera-ce le dernier COP ? Ne rêvons pas : trop d’intérêts sont investis dans ce grand cirque du carbone. Trop de bureaucrates en vivent, trop de consultants s’en nourrissent, trop de politiciens y trouvent une tribune pour leur vertu affichée.
Ce livre est le témoignage direct d’un acteur interne, qui a pu observer comment cette importante initiative de gouvernance mondiale du XXIe siècle a évolué, vers une forme de théâtre diplomatique mêlant enjeux politiques et discussions éloignées des résultats concrets.
L’imposteur démasqué
Commençons par les faits, ces choses têtues qui résistent si mal aux incantations onusiennes. En 1992, lors de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques à Rio, les émissions mondiales de CO₂ s’élevaient à 21,5 milliards de tonnes.
En 2024, après trente COP, des milliers de discours larmoyants, des centaines de milliards dépensés en énergies dites « renouvelables », et un déluge de culpabilisation occidentale, ces émissions atteignent 35,5 milliards de tonnes. Soit une augmentation de 65%.
Permettez-moi de répéter ce chiffre, car il mérite d’être gravé dans le marbre de l’infamie intellectuelle : +65 %.
Voilà le bilan des COP. Voilà ce que trente années de COPs, d’Accords de Paris, de Protocole de Kyoto, de fonds verts, d’activistes déguisés en ours blancs et de discours apocalyptiques ont produit. On pourrait s’en moquer si le coût pour nos sociétés n’était pas aussi vertigineux, si la destruction de notre compétitivité industrielle n’était pas aussi systématique, si la duplicité des acteurs n’était pas aussi révoltante.
Photo diffusée par la présidence brésilienne montrant le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva (à droite) et le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, posant pour une photo avant la séance plénière générale des dirigeants dans le cadre de la COP30, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, à Belém, dans l’État du Pará, au Brésil, le 6 novembre 2025. (Ricardo STUCKERT / Brazilian Presidency / AFP).
Le grand théâtre de l’absurde
Mon livre documente cette descente aux enfers de la raison. Et croyez-moi, le spectacle vaut son pesant de charbon — cette matière honnie dont la consommation mondiale a augmenté de 80% depuis Rio, passant de 92 à 165 exajoules. La Chine seule consomme aujourd’hui 92 exajoules de charbon par an, soit 1,8 fois la consommation énergétique primaire totale de l’Union européenne.
A la COP15 à Copenhague, l’Union européenne (UE), conduite par le Belge Herman Van Rompuy (président du Conseil européen de 2010 à 2014), promettait 7,2 milliards d’euros aux pays africains s’ils la suivaient dans la lutte aux émissions.
Prenez la COP15 à Copenhague en 2009. François Hollande (ex-Président français) n’avait pas encore eu l’occasion d’affirmer que « les tsunamis sont dus au changement climatique », mais le cirque était déjà en place. L’Union européenne (UE), conduite par le Belge Herman Van Rompuy (président du Conseil européen de 2010 à 2014), promettait 7,2 milliards d’euros aux pays africains s’ils la suivaient dans la lutte aux émissions. Le même jour, ExxonMobil annonçait le rachat de XTO Energy pour 41 milliards de dollars afin de produire davantage de gaz de schiste. Pendant que Bruxelles sortait son porte-monnaie de vertu, les pétroliers sortaient leur carnet de chèques. Le message était clair : l’argent réel va vers l’énergie réelle.

L’hypocrisie institutionnalisée
Ce que j’ai observé durant ces décennies relève d’une hypocrisie d’une sophistication rare. Les COP se sont progressivement transformées en grand-messes païennes où l’on vénère Gaïa — voyez les références à la « Terre-Mère » explicitement présentes dans les projets d’accord de Paris, avant d’être pudiquement édulcorées pour ne pas trop froisser la laïcité française.
La COP28 à Dubaï incarne parfaitement cette comédie. Un sommet climatique organisé par un État pétrolier, présidé par le PDG de la compagnie nationale des hydrocarbures, le sultan Al Jaber. Les activistes hurlaient au scandale.
Pendant que les délégations occidentales psalmodiaient leurs mantras sur la « transition », l’Opep (Organisation des Pays Exportateurs de pétrole) envoyait ses directives à ses membres : rejeter toute mention contraignante sur les énergies fossiles.
Et pendant que les délégations occidentales psalmodiaient leurs mantras sur la « transition », l’Opep (Organisation des Pays Exportateurs de pétrole) envoyait ses directives à ses membres : rejeter toute mention contraignante sur les énergies fossiles. Ce qui fut fait. Vladimir Poutine qui était dans le pays pour une rencontre avec l’émir ne daigna dire un seul mot sur ce cirque dans le pays où le drapeau porte une bande noire en l’honneur de l’or noir.
La COP29 à Bakou poursuivit dans la même veine. Ilham Aliyev (Président d’Azerbaïdjan) rappela que son pays ne produit que 0,7% du pétrole et 0,9% du gaz naturel mondial, mais que ces ressources sont « un don de Dieu » et que l’Azerbaïdjan n’a pas à s’en excuser. Les activistes climatiques repartirent bredouilles. Le « coucou » avait définitivement pris possession du nid des activistes climatiques.
L’UE, idiote utile de la décarbonisation
L’Union européenne mérite une mention spéciale dans cette tragédie. Avec un zèle quasi religieux, elle s’est lancée dans une politique de décarbonisation suicidaire, persuadée que le monde suivrait son « leadership ». Résultat ? Sur les dix dernières années, l’UE a réduit sa demande énergétique de 6,1 exajoules. Pendant ce temps, le reste du monde l’augmentait de 76,8 exajoules — treize fois plus ― et hasard des chiffres 77% de cette croissance est due aux énergies fossiles, c’est-à-dire que les énergies renouvelables ont beau se développer, les énergies fossiles se développent 7,3 fois plus.
En 2008, les PIB des États-Unis et de la zone euro étaient équivalents. Aujourd’hui, le PIB par habitant américain est pratiquement le double de celui de l’UE.
En 2008, les PIB des États-Unis et de la zone euro étaient équivalents. Aujourd’hui, le PIB par habitant américain est pratiquement le double de celui de l’UE. Pendant que nous nous flagellons avec notre Green Deal — dont le coût atteindra 43 000 milliards d’euros d’ici 2050 selon Bruegel (think tank pro-européen) —, le reste du monde construit des centrales au charbon et nucléaire, développe le gaz naturel, et attire nos industries avec une énergie abondante et bon marché.
Le rapport de Mario Draghi le reconnaît enfin : l’UE perd sa compétitivité. Mais il n’ose pas nommer le responsable : cette politique climatique dogmatique qui sacrifie nos emplois, notre industrie, notre prospérité sur l’autel d’une vertu que personne d’autre ne partage.
Photo diffusée par la présidence brésilienne montrant le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva (à droite) et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen posant avant la séance plénière générale des dirigeants dans le cadre de la COP30, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, à Belém, dans l’État du Pará, au Brésil, le 6 novembre 2025. (Ricardo STUCKERT / Brazilian Presidency / AFP).
Les véritables gagnants
Mon livre démonte aussi la mécanique par laquelle les ONG environnementales ont infiltré le processus onusien. Elles rédigent les textes, mobilisent les médias, font pression sur les juges nationaux et européens pour transformer le « soft law » en contraintes juridiques. C’est un détournement de la souveraineté démocratique au profit d’une idéologie militante.
Nous avons besoin d’énergie pour nous développer, pas de vos leçons de morale.
Les pays en développement, eux, ont compris le jeu. Ils signent les accords, promettent tout ce qu’on veut, empochent les financements climatiques — quand ils arrivent —, et continuent tranquillement à développer leurs ressources fossiles. L’Afrique a été particulièrement claire : « Nous avons besoin d’énergie pour nous développer, pas de vos leçons de morale. » Macky Sall, Muhammadu Buhari, et bien d’autres l’ont dit sans détour. Et ils ont raison.
La grande démission des marchés
Un signe ne trompe pas : les marchés ont déjà abandonné la partie. BlackRock, qui gérait 11 475 milliards de dollars en 2024, s’est retiré de l’initiative Net Zero Asset Managers. BP, Shell, et les autres majors pétrolières ont discrètement rangé leurs panneaux solaires pour retourner à ce qu’elles savent faire : extraire du pétrole et du gaz et gagner de l’argent au lieu d’en perdre.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE), jadis gardienne pragmatique de la sécurité énergétique, qui était devenue une officine militante, semble avoir compris le message, car elle ose reparler des énergies fossiles.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE), jadis gardienne pragmatique de la sécurité énergétique, qui était devenue une officine militante, semble avoir compris le message, car elle ose reparler des énergies fossiles. Il est vrai qu’elle a tremblé lorsque le secrétaire américain à l’Énergie, Chris Wright, a menacé de retirer les États-Unis si l’AIE ne mettait pas fin à ses manipulations climatiques.
Le président français Emmanuel Macron (à droite) s’entretient avec la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley (à gauche), en amont du programme « Tropical Forest Forever Facility » (TFFF), organisé dans le cadre de la COP30, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, à Belém, dans l’État du Pará, au Brésil, le 6 novembre 2025. (Ludovic MARIN / AFP).
Un épilogue brésilien ?
La COP30 s’ouvre officiellement ce lundi 10 novembre 2025 à Belém, au Brésil. L’ironie est savoureuse : Lula da Silva, promet la déforestation zéro tout en distribuant des concessions pétrolières massives. Petrobras prévoit d’investir 111 milliards de dollars dans l’exploitation offshore entre 2025 et 2029.
Pendant que le président brésilien se pose en champion du climat, ses équipes négocient avec ExxonMobil l’exploitation de gisements dans la marge équatoriale, près de l’embouchure de l’Amazonie si chère au pape François et aux activistes.
En 2024, après trente COP, des milliers de discours larmoyants, des centaines de milliards dépensés en énergies dites « renouvelables », et un déluge de culpabilisation occidentale, ces émissions atteignent 35,5 milliards de tonnes. Soit une augmentation de 65%.
Sera-ce le dernier COP ? Ne rêvons pas : trop d’intérêts sont investis dans ce grand cirque du carbone. Trop de bureaucrates en vivent, trop de consultants s’en nourrissent, trop de politiciens y trouvent une tribune pour leur vertu affichée.
Le plus triste est que les scientifiques sont obligés de danser comme les activistes sifflent pour pouvoir avoir des crédits de recherche… dans l’UE. Le reste du monde prépare le futur et ne s’embarrasse plus de développer de la science climatique.
Pourquoi ce livre, pourquoi maintenant
« La vérité sur les COP. Trente ans d’illusions » n’est pas bien entendu un plaidoyer contre l’environnement. C’est une défense de la raison contre l’hystérie, du réalisme contre l’utopie, de la liberté contre le dirigisme. C’est aussi un hommage à tous ceux qui, comme le professeur Ernest Mund à qui je dédie cet ouvrage, ont eu le courage de penser librement et de dire la vérité, même quand elle dérange, même quand on nous ostracise dans les médias.
Les faits sont têtus. Les émissions de CO₂ continuent d’augmenter. Les énergies fossiles représentent encore 86,6% de la consommation énergétique mondiale. La Chine, l’Inde, l’Afrique, les pays du Golfe, tous poursuivent leur développement en s’appuyant sur le charbon, le pétrole et le gaz sans oublier l’énergie nucléaire. Et ils ont raison, car c’est la seule voie vers la prospérité.
Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus (à gauche), serre la main de la ministre marocaine de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, en marge de la COP30, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Belém, dans l’État du Pará, au Brésil, le 7 novembre 2025. (Mauro PIMENTEL / AFP).
Pendant ce temps, l’UE s’enfonce dans son masochisme industriel, convaincue de « montrer l’exemple ». Mais un leader qui réalise que personne ne le suit devrait peut-être se demander s’il est vraiment en train de mener qui que ce soit.
Pendant ce temps, l’UE s’enfonce dans son masochisme industriel, convaincue de « montrer l’exemple ».
Il est temps d’abandonner cette comédie onusienne, de sortir de l’Accord de Paris, et de revenir à une politique énergétique fondée sur la réalité : l’énergie abondante et bon marché — fossile et nucléaire — est la condition de la prospérité. Le reste n’est que gagne-pain de bureaucrates et activistes des ONG, mais surtout destruction de notre compétitivité et bien-être.
Le comble est qu’alors les États-Unis font savoir qu’ils n’iront même pas à Belém, les ministres de l’Environnement de l’UE viennent de confirmer la proposition inconsidérée de la Commission européenne d’imposer une réduction de 90% des émissions européennes en 2040, demain. C’est un objectif tout simplement impossible à atteindre.
Il est urgent de mettre fin à cette folie.
Samuel Furfari
Ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne, professeur de géopolitique de l’énergie
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Source: LPOST

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