Sortie d’un ouvrage collectif dédié à Boualem Sansal, emprisonné dans les geôles dictatoriales algériennes depuis bientôt un an
Qu’est-ce qui unit quelque trente plumes autour d’un ouvrage collectif intitulé « Critique de la Déraison Antisémite » ? Une évidence : autopsier, comprendre, isoler et pour finir, trouver, autant que faire se peut, l’antidote à cette purulence qu’est l’antisémitisme. De l’éminent cancérologue mon ami Hagay Sobol jusqu’au philosophe Marc Alpozzo avec qui je nourris une belle et franche complicité, ou encore Michel Onfray dont nos conversations autour de Boualem Sansal résonnent encore en moi, en passant par Céline Pina et Rachel Binhas, toutes deux journalistes qui n’ont pas la plume dans leur poche, sans oublier deux anciens ministres comme Luc Ferry ou Manuel Walls, tous sont des militants au service de l’Humain. Par la qualité de leurs contributions ces auteurs posent un regard sans concession sur la question antisémite. Les citer tous relèverait du catalogue ; alors, un conseil : allez commander l’ouvrage (1).
Mais que serait ce livre sans l’extraordinaire détermination de Daniel Salvator Schiffer spécialiste de Lévinas comme il est l’un des biographes d’Oscar Wilde pour ne citer que cet écrivain (2) ? L’homme est européen de destin — il partage son temps entre Milan, Bruxelles et Paris — mais avant tout juif dans l’âme. Exégète, philosophe, biographe, professeur, cet homme est de ces intellectuels pour qui rien n’est acquis et tout à découvrir.
La critique de la déraison antisémite : un ouvrage majeur
Olivier Guez, dans son livre « la Disparition de Josef Mengele» (3) écrit : « Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal » .
Et pourtant, Guez n’est pas dupe. Il ajoute cette phrase terrible. « Méfiance, l’homme est une créature malléable. Il faut se méfier des hommes. »
On pourrait discuter des heures et des jours sur ce que j’entrevois là comme un suprême avertissement d’Olivier Guez, la phrase clôture son livre, et ce n’est pas un hasard. Or si j’ai évoqué ce journaliste du Point c’est précisément parce que « Critique de la Déraison Antisémite » répond à son angoisse. Oui, l’homme est malléable. C’est même l’animal le plus fauvesque qui soit.
Le fauve, une fois rassasié n’a plus envie de tuer, alors que l’homme, même rassasié tue par plaisir. Ce livre collectif est là pour réveiller les consciences, voire les empêcher de somnoler de crainte qu’elles finissent complètement amorphes. J’ai l’heur de penser que la critique de la déraison antisémite fait de nous des sentinelles. Comme le prophète Isaïe, posons-nous à chaque instant cette obsédante question « Veilleur où en est la nuit ? »(4)
L’antisémitisme est le plus grand questionnant philosophique de l’Histoire
L’antisémitisme ne répond à aucune question structurée, il n’est pas l’image d’une époque historique donnée mais une récurrence qui survole les siècles. Aussi repose-t-il sur une totale irrationalité.
La « déraison » est un dysfonctionnement mental. Elle nourrit la rumeur, laquelle en gonflant alimente la névrose du complot, lequel en s’amplifiant se fait torrent de lâcheté.
Je rejoins Michel Onfray quand il évoque le regard du christianisme sur la question juive (5) mais ce n’est là qu’un antijudaïsme d’essence essentiellement religieuse. Avec le nazisme, la haine du Juif passe de la théologie antijuive à l’antisémitisme totalitaire. Qu’antijudaïsme et antisémitisme débouchent sur la même horreur, — bûchers sous l’Inquisition, chambres à gaz sous le nazisme —, le résultat est hélas ! identique, j’en conviens.
Cependant le fléau est désormais, pour ainsi dire, passé en « très haute altitude », car, en unissant perversion religieuse exprimée par aujourd’hui par l’islamisme et dérive idéologique exprimée par l’extrême-gauche et une partie de l’extrême-droite, on se trouve devant une nouvelle forme d’antisémitisme que j’ai qualifié lors d’une conférence « d’antisémitisme global ». En d’autre terme une union sacrée où le diable s’habille en théoricien, ça fait plus chic, plus « dans le coup ».
D’un amphi à l’autre, ce diable antisémite, rebaptisé pour l’occasion militant antisioniste, se faufile dans les travées où des décérébrés boutonneux, baptisés pour l’occasion « étudiants conscientisés » s’égosillent en exhalant l’haleine fétide des terroristes pogromistes.
« La critique de la déraison antisémite » a l’immense mérite de regarder le virus en face, de tout faire pour l’isoler et de tendre vers son éradication. La dignité humaine est à ce prix.
Michel DRAY
Historien
Ancien conseiller du vice-président du Congrès Juif Mondial à New-York, ancien chargé de Mission près le Comité de Coopération Marseille-Méditerranée, contributeur à l’ouvrage collectif « Critique de la Déraison Antisémite »
(1) Critique de la déraison antisémite, éditions Intervalles, Paris 2025, 309 p. 20€
(2) Professeur d’Esthétique et de philosophie de l’Art au prestigieux Institut Royal Supérieur d’Histoire de l’Art er d’Archéologie de Bruxelles (IRSHAAB)
(3) Olivier Guez, La disparition de Josef Mengele, éditions Grasset Paris 2017, réédition 2025 en poche.
(4)Isaïe, chapitre 21, verset 11-12
(5) Voir notamment son livre Décadence éditions Flammarion Paris 2017
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Source: LPOST

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