Sébastien Lecornu sauvé, mais fragilisé : retour sur une journée sous haute tension à l’Assemblée nationale française


Sébastien Lecornu sauvé, mais fragilisé : retour sur une journée sous haute tension à l’Assemblée nationale française
Malgré deux motions de censure déposées contre son gouvernement, Sébastien Lecornu échappe de peu à la chute. Mais le Premier ministre sort affaibli de cette épreuve parlementaire et le climat politique demeure explosif. Ce jeudi 16 octobre 2025, l’Assemblée nationale française a rejeté les deux motions de censure visant le gouvernement Lecornu II. La première, déposée par La France insoumise (LFI), a obtenu 271 voix, soit 18 de moins que la majorité absolue fixée à 289. La seconde, présentée par le Rassemblement national (RN), n’a recueilli que 144 voix. Un résultat serré, qui traduit l’isolement croissant du gouvernement et la fatigue d’une majorité relative.
Sauvé de justesse, Sébastien Lecornu n’en sort pas renforcé. À la sortie du vote, il a regagné Matignon à pied, promettant de se remettre « au travail » sans délai.  Et du travail, il en a, car il s’agit pour le Premier ministre de parler avec le PS des nombreux amendements un par un.  Le dossier le plus brûlant est la réforme des retraites, toujours suspendue, plane toujours comme une épée de Damoclès au-dessus de son exécutif. Petite victoire pour Sébastien Lecornu qui avait promis de ne pas utiliser le 49.3.
À l’Assemblée, un appel au dialogue prudent
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a salué l’issue du vote. « Rien n’a été bloqué, les discussions sur le budget vont enfin pouvoir commencer », a-t-elle déclaré, se félicitant de voir revenir « un esprit de compromis et de dialogue ».
Rien n’a été bloqué, les discussions sur le budget vont enfin pouvoir commencer.
Mais la sérénité affichée cache mal une réalité : le gouvernement marche sur le fil. « Tout dépendra des avancées de chacun », a ajouté Braun-Pivet, soulignant que « la France attend un budget à la hauteur de ses besoins ».
Depuis des mois, le Président français, Emmanuel Macron, et son Premier ministre sont accusés de refuser tout partage du pouvoir et d’alimenter les divisions partisanes. Dans un Parlement sans majorité stable, la moindre erreur peut rouvrir la crise.
Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet rappelle que la France attend un budget à la hauteur de ses besoins. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP).
Les frondeurs socialistes sèment le trouble
La principale surprise du scrutin est venue du Parti socialiste. Malgré la consigne du président, Olivier Faure, de ne pas voter la censure, sept députés socialistes ont choisi de soutenir la motion de LFI.  Un geste de défi qui fragilise encore la cohésion de la gauche même si Faure s’attendait à plus de dissidence.
« Le sursis accordé au gouvernement n’est pas un blanc-seing éternel. Sur la suspension de la réforme des retraites, il n’y aura ni entourloupe ni ruse procédurale », a recadré le député Laurent Baumel. Et d’ajouter : « Si le budget final ne convient pas aux socialistes, le PS garde sa liberté de censurer ».
Le sursis accordé au gouvernement n’est pas un blanc-seing éternel. Sur la suspension de la réforme des retraites, il n’y aura ni entourloupe ni ruse procédurale.
De son côté, Mathilde Panot (LFI) a saisi l’occasion pour relancer la pression. « Rompez les rangs ! Ne laissez pas la direction vous entraîner dans une alliance avec la macronie », a-t-elle lancé à l’adresse des députés socialistes, avant d’annoncer le dépôt prochain d’une motion de destitution contre Emmanuel Macron.
Le RN dénonce un pacte de lâcheté
À l’extrême droite, la frustration est palpable. Jean-Philippe Tanguy, député du RN, a dénoncé ce qu’il appelle un « pacte de lâcheté » entre la gauche et la majorité. « Ces partis refusent de remettre la France sur le droit chemin, celui des urnes », a-t-il asséné, visant directement les oppositions modérées.
Quant à la cheffe de groupe RN, à l’Assemblée, Marine Le Pen, elle a choisi un ton grave, citant le général de Gaulle : « Nous vivons sous un régime de malheur. Les Français ne comptent plus les motions de censure déposées, débattues et votées depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Ils ne savent même plus qui siège au gouvernement ».
Nous vivons sous un régime de malheur. Les Français ne comptent plus les motions de censure déposées, débattues et votées depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Ils ne savent même plus qui siège au gouvernement.
Une tirade sévère, conclue par un constat sans appel : « Ce spectacle est pathétique ». Les velléités du RN de devenir le premier parti de France reste donc en suspens.
Cheffe de groupe à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen delivers a des mots durs à l’égard du gouvernement Lecornu II. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP).
Un gouvernement sous respiration artificielle
Sébastien Lecornu sort donc sauvé, mais affaibli. La majorité présidentielle tient encore, mais est à bout de souffle. Le Premier ministre devra désormais composer avec des partenaires réticents, une opposition revancharde et une opinion publique lassée des crises à répétition.
Dans les couloirs de l’Assemblée, on a l’impression que Lecornu II n’a pas gagné du temps, mais repoussé la tempête.
 « Tout dépend » du PS : l’épée de Damoclès au-dessus de Matignon
Dans une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais, le Parti socialiste s’impose désormais comme le véritable arbitre de la survie gouvernementale. Sans disposer d’une majorité absolue, Sébastien Lecornu doit composer avec un soutien composite, où chaque voix compte. Il semble bien que les députés socialistes aient permis au gouvernement de franchir de justesse l’obstacle des motions de censure.
Leur appui, toutefois, reste conditionnel. Les sept élus PS ayant voté la censure en dépit des consignes ont mis en lumière une division interne profonde de la gauche traditionnelle. Le groupe socialiste, traversé par des sensibilités opposées, oscille entre prudence et lassitude face à un exécutif jugé hésitant.
Dans une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais, le Parti socialiste s’impose désormais comme le véritable arbitre de la survie gouvernementale.
Cette situation transforme leur soutien en une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de Matignon. Une fracture plus marquée, une abstention massive ou le retrait du soutien socialiste suffiraient à inverser le rapport de forces. Dans ce cas, le gouvernement pourrait être contraint soit à la démission, soit à provoquer une dissolution de l’Assemblée nationale … encore une.

BELGA/AFP
Député socialiste à l’Assemblée nationale, Laurent Baumel, rappelle que le PS n’accorde pas un blanc-seing au gouvernement Lecornu II. (AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN).
Les perspectives : un compte à rebours de 70 jours
L’avenir immédiat du gouvernement Lecornu dépend désormais d’un calendrier institutionnel implacable. Le projet de loi de finances (PLF) 2026 doit être présenté dans les temps, la Constitution et la loi organique imposant un délai maximal de 70 jours pour l’examen parlementaire.
Ce laps de temps comprend environ quarante jours à l’Assemblée nationale, avant la navette au Sénat.  Si le budget n’est pas adopté avant la fin de l’année, comme voulu par Sébastien Lecornu, la France risquerait de se retrouver en gestion provisoire avec des mesures transitoires pour garantir la continuité de l’État.
Et pour la suite ?
Le scénario le plus probable reste celui d’un accord pragmatique entre Lecornu et le PS. En échange de garanties sur la réforme des retraites, le pouvoir d’achat, les socialistes pourraient offrir une abstention « bienveillante » sur le budget.
Si aucun compromis n’est trouvé, le gouvernement pourrait devoir recourir à des dispositifs exceptionnels pour éviter le vide budgétaire. Mais il y a aussi le scénario du pire, qui serait une rupture avec le PS. Une motion de censure future, si elle rassemblait gauche et droite mécontentes, pourrait renverser le gouvernement et ouvrir la voie à une dissolution. Le pays entrerait alors dans une période d’instabilité politique prolongée.
Si aucun compromis n’est trouvé, le gouvernement pourrait devoir recourir à des dispositifs exceptionnels pour éviter le vide budgétaire.
Pour l’heure, Sébastien Lecornu conserve Matignon grâce à une majorité de circonstance, fragile et fracturée. Le compte à rebours des 70 jours pour voter le budget 2026 impose un rythme serré et rend la négociation avec le Parti socialiste inévitable. Si le PS maintient le calme parlementaire, Lecornu peut espérer tenir jusqu’à la fin de l’année mais s’il se retire, le gouvernement sera à la merci d’un renversement brutal.
Yannick Ferruzca (à Paris)
L’article Sébastien Lecornu sauvé, mais fragilisé : retour sur une journée sous haute tension à l’Assemblée nationale française est apparu en premier sur L-Post.
Source: LPOST

Check Also

Audrey K. Randria (Gen Z Madagascar) : « La France doit se tenir à l’écart du changement en cours à Madagascar »

Audrey K. Randria (Gen Z Madagascar) : « La France doit se tenir à l’écart du …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.