Moyen-Orient : la libération des otages et la fin (annoncée) des combats sont un soulagement…mais le plus dur reste à faire
On a beaucoup raillé Donald Trump pour ses formules à l’emporte-pièce, sa mégalomanie son égocentrisme et ses raisonnements « simplistes ». Mais le Président américain vient de remporter une victoire dont l’Europe n’osait même plus rêver. Par un habile mélange de menaces, d’imprévisibilité et de promesses ambitieuses il a arraché au Hamas la libération des otages israéliens détenus à Gaza et imposé à Israël d’arrêter une guerre qui n’a que trop duré. Les deux peuples sont soulagés. Mais sur le fond pourtant, la résolution d’un conflit qui dure depuis près d’un siècle, le plus difficile reste à faire. ANALYSE.
La nouvelle est tombée au milieu de la nuit de mercredi à jeudi : à Charm el-Sheikh, en Egypte, Israël et le Hamas sont arrivés à un accord sur la première phase du plan de paix en 20 points proposé, la semaine dernière, par Donald Trump. En clair : tous les otages israéliens encore aux mains du Hamas (ils sont 48, mais seulement 20 sont encore en vie) seront libérés en échange de 2000 prisonniers palestiniens, d’un arrêt des combats, d’un retrait partiel des troupes israéliennes et d’une augmentation substantielle de l’aide humanitaire.
Donald Trump l’annonce, Jérusalem et le Hamas le confirment : la guerre touche à sa fin
Donald Trump a été le premier à annoncer la nouvelle sur son réseau social « Truth » et, dans la foulée, Israël et le Hamas ont confirmé le succès des négociations.
Depuis lundi, les deux délégations étaient réunies dans la cité balnéaire du Sinaï, au bord de la Mer Rouge, pour des négociations indirectes, facilitées par leurs hôtes égyptiens mais également par des équipes qatarie et américaine. Le dispositif était lourd et contraignant : les principaux protagonistes ne se rencontrent jamais mais se transmettent leurs propositions et leurs réponses via des intermédiaires. Un processus long et fastidieux qui facilite quiproquos et incompréhensions.
Dimanche, Donald Trump avait donné jusqu’à mercredi soir (heure de Washington) au Hamas pour accepter ses conditions de son plan de paix sous peine de voir l’enfer se déchainer.
Les informations qui tombaient au compte-gouttes, soufflant le chaud et le froid dans les rédactions et les chancelleries. Lundi soir, après les premiers échanges, Donald Trump, tenu informé en temps réel de l’évolution des « discussions » par son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, se déclarait optimiste quant aux chances de succès des pourparlers.
Mais 24 heures plus tard, de sources israéliennes, on signalait que le Hamas semblait faire marche arrière et campait sur ses positions antérieures, inacceptables pour Jérusalem et totalement contraires aux conditions du plan de paix américain. Or, dimanche, Donald Trump avait donné jusqu’à mercredi soir (heure de Washington) au Hamas pour accepter ses conditions de son plan de paix sous peine de voir l’enfer se déchainer. Les aiguilles de l’horloge tournaient…
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio chuchote à l’oreille du président Donald Trump les informations sur l’évolution des négociations sur le conflit israélo-palestinien lors d’une table ronde sur Antifa dans la salle à manger d’État de la Maison Blanche à Washington, DC, le 8 octobre 2025. (Jim WATSON / AFP).
En dernière minute, un renfort décisif pour les négociateurs
Mercredi matin, les négociateurs ont donc reçu un renfort appréciable et qui s’est même avéré décisif : Steve Witkoff, ami et « négociateur en chef » du président américain, Jared Kushner, gendre (et conseiller personnel très écouté) de Donald Trump, Mohammed ben Abderrahmane Al Thani, Premier ministre du Qatar, et Ibrahim Kalin, nouveau chef des services de renseignement turcs (MIT) arrivaient à Charm el-Sheikh, les premiers, sans doute, pour arrondir les angles avec les Israéliens et les seconds, certainement, pour accentuer la pression sur le Hamas.
Il faudra sans doute un peu de temps pour que les langues se délient et que l’on sache exactement comment les tensions se sont dénouées et quels arguments ont fait mouche. Mais il nous revient de plusieurs sources que le rôle des Qataris et des Turcs a été fondamental.
Rôle des Qataris et des Turcs
Les Qataris sont des soutiens de longue date du Hamas et les Turcs ne lui sont pas totalement hostiles (le président turc, Recep Tayyp Erdogan partage avec les dirigeants du groupe terroriste la même idéologie, celle des Frères musulmans).
les représentants de Doha et d’Ankara ont fait valoir que la guerre et son cortège de souffrances avaient déjà trop duré et que le Hamas, s’il persistait dans son intransigeance, se retrouverait seul.
Or, d’après ce qui nous est dit, les représentants de Doha et d’Ankara ont fait valoir que la guerre et son cortège de souffrances avaient déjà trop duré et que le Hamas, s’il persistait dans son intransigeance, se retrouverait seul. Une position intenable pour une organisation qui a été considérablement affaiblie par la perte de la quasi-totalité de sa direction politique, de la majorité de ses commandants et de 15 000 à 20 000 de ses combattants les plus aguerris.
Et mercredi soir, le miracle a lieu et les deux délégations, toujours sans se croiser, tombaient d’accord pour mettre fin au carnage.
Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou se serrent la main à l’issue d’une conférence de presse conjointe dans la salle à manger d’État de la Maison Blanche à Washington, le 29 septembre 2025. (ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP).
Le plus grand succès de Donald Trump à ce jour
Il convient de rester prudent, car le Moyen-Orient a la fâcheuse habitude d’être le cimetière de bien des espoirs jamais concrétisés. Mais si rien ne vient gripper la mécanique qui s’est enclenchée mercredi soir, 8 octobre 2025, cet accord représente le plus grand succès de Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche, le 20 janvier dernier : son plan en 20 points doit, peut-être beaucoup sinon tout, à l’ancien Premier ministre Tony Blair qui en a été le principal concepteur.
C’est bien la personnalité imprévisible du président américain et l’immense puissance militaire et économique des Etats-Unis qui ont remporté la partie.
Mais c’est bien la personnalité imprévisible du président américain et l’immense puissance militaire et économique des Etats-Unis qui ont remporté la partie. Trump a fait céder le Hamas et modéré les appétits israéliens : certains, à l’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahu ne se privaient pas de dire que la seule solution qu’ils accepteraient était une annexion pure et simple de Gaza. Ce rêve ultranationaliste a désormais rejoint les poubelles de l’histoire.
Sur le fond, rien n’est encore fait
Reste que si la libération des otages – détenus dans des conditions atroces depuis plus de 2 ans – et la fin programmée des combats, et donc des souffrances des civils palestiniens, sont un résultat que l’on n’osait plus espérer et doivent donc être salués comme une grande victoire de la diplomatie trumpienne, rien n’est encore fait.
Car il va maintenant falloir passer à la deuxième phase du plan de Donald Trump. Et là, ceux qui étaient pessimistes quant aux chances de voir se concrétiser la première phase verront que le plus dur reste à faire.
La deuxième phase en effet se résume en quelques mots : désarmement et démantèlement du Hamas ; établissement, pour gérer l’après-guerre et reconstruire Gaza, d’un pouvoir civil palestinien de technocrates contrôlés par un « Conseil de la Paix ».
La deuxième phase en effet se résume en quelques mots : désarmement et démantèlement du Hamas ; établissement, pour gérer l’après-guerre et reconstruire Gaza, d’un pouvoir civil palestinien de technocrates contrôlés par un « Conseil de la Paix » dans lequel devraient siéger Donald Trump, Tony Blair et des représentants de plusieurs pays arabes et retrait quasiment total de Tsahal de l’enclave palestinienne. Mais cette phrase, si simple en apparence recèle bien des chausse-trappes.
Des gens célèbrent la Place des Otages à Tel-Aviv le 9 octobre 2025, après l’annonce du nouvel accord de cessez-le-feu à Gaza. Israël et le Hamas ont conclu le 9 octobre un accord de cessez-le-feu à Gaza pour libérer les otages encore en vie, une étape majeure vers la fin d’une guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts et provoqué une catastrophe humanitaire. (JOHN WESSELS / AFP).
Des positions incompatibles du Hamas
Le Hamas, en effet, a encore répété très récemment des positions qui sont totalement incompatibles avec ces développements. Sur le désarmement, il campe sur sa position : « Nul ne peut confisquer les armes de la résistance palestinienne ».
Sur son effacement de la carte politique palestinienne, il répondait, le week-end dernier, dans son acceptation du plan Trump, que l’avenir de Gaza et de la Palestine se déciderait « par une concertation entre toutes les forces palestiniennes, à laquelle le Hamas participera en toute responsabilité » (à bon entendeur…).
Pour ce qui est d’une tutelle anglo-saxonne sur le futur pouvoir à Gaza, l’organisation terroriste estime que celui-ci ne peut qu’être exclusivement palestinien « avec l’aide des frères arabes » et ne laisse donc aucune place aux Occidentaux.
Pour ce qui est d’une tutelle anglo-saxonne sur le futur pouvoir à Gaza, l’organisation terroriste estime que celui-ci ne peut qu’être exclusivement palestinien « avec l’aide des frères arabes » et ne laisse donc aucune place aux Occidentaux.
Enfin, nous l’avons dit, Tsahal se retirerait, selon le plan en 20 points, de « quasiment » toute la Bande de Gaza, mais conserverait une présence dans un étroit couloir de sécurité tout au long des frontières du territoire. Or, le Hamas exige, lui, un retrait « total » de l’armée israélienne.
Il faudra bien pourtant, en arriver à ce que veut Donald Trump et on voit mal, à l’heure actuelle, comment le Hamas s’y résoudra. Ou alors il feindra de le faire en se disant que le temps joue pour lui et que, dans 3 ans, c’est un autre que l’actuel locataire de la Maison Blanche qui sera assis dans le bureau ovale…
Et la troisième phase ne sera pas plus simple…
Si cette deuxième phase semble extrêmement difficile à réaliser, que dire alors de la troisième, qui prévoit une réforme en profondeur de l’autorité palestinienne (toujours sans le Hamas, bien entendu…) donc, des élections libres et ouvertes (les dernières en date remontent à une vingtaine d’années et avaient vu le Hamas l’emporter haut la main) avec la perspective d’arriver un jour à un Etat palestinien.
Certes, les mots « Etat palestinien » n’apparaissent pas dans les 20 points du plan du duo Trump-Blair, mais l’esprit du plan est bien celui-là : pacifier la région en développant économiquement la partie palestinienne et imposer aux deux camps une douloureuse remise en question.
Les Palestiniens devront accepter de n’avoir de souveraineté que sur une partie du territoire qu’ils revendiquent mais les Israéliens, de leur côté, devront dire adieu au rêve qu’ont certains d’établir un jour un « grand Israël ».
Les Palestiniens devront accepter de n’avoir de souveraineté que sur une partie du territoire qu’ils revendiquent mais les Israéliens, de leur côté, devront dire adieu au rêve qu’ont certains d’établir un jour un « grand Israël » par l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et de Gaza…
Mais nous n’en sommes pas là, le chemin est encore long et il donnera bien des occasions aux extrémistes des deux camps de faire dérailler le projet.
En attendant, Donald Trump se rendra en Egypte la semaine prochaine et fera escale, dimanche, à Jérusalem où nul, doute, les familles des otages et la grande majorité des Israéliens lui réserveront le plus chaleureux des accueils. Une fête bien méritée pour un homme qui a mis fin au conflit le plus meurtrier de l’histoire pourtant particulièrement violente des relations entre Israël et ses voisins arabes.
Le président français Emmanuel Macron, aux côtés du ministre sortant de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot (à gauche), s’exprime lors d’une réunion ministérielle sur la mise en œuvre du plan de paix au Moyen-Orient au Quai d’Orsay, à Paris, le 9 octobre 2025. (Thomas SAMSON / POOL / AFP).
Et l’Europe ? Totalement absente…
En attendant, si Donald Trump a remporté une manche difficile et si Israéliens et Palestiniens pourront, si tout se passe bien, goûter dans quelques jours à une paix qui sera plus que bienvenue, l’accord de Charm el-Sheikh a fait une victime : la diplomatie européenne.
Si Donald Trump a remporté une manche difficile et si Israéliens et Palestiniens pourront, si tout se passe bien, goûter dans quelques jours à une paix qui sera plus que bienvenue, l’accord de Charm el-Sheikh a fait une victime : la diplomatie européenne.
Certes, les dirigeants européens sont inégalables quand il s’agit de discourir et d’aligner les formules ronflantes mais souvent creuses, mais mercredi soir, ils n’étaient pas à Charm el-Cheikh. Et pour cause : personne ne les y avait conviés. Cette totale oblitération de la diplomatie européenne, n’en déplaise à Emmanuel Macron, marque bien quel est le poids de l’Europe, aujourd’hui au Moyen-Orient. Egal à zéro…
On annonce une visite du Président américain à Jérusalem dimanche 12 octobre…
Hugues Krasner
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Source: LPOST
