A la souffrance des survivants s’ajoute une profonde amertume : « Mais je ne veux pas que les Palestiniens meurent, même ceux qui ont tué mes amis »
Il faut se rendre sur les sites du massacre du 7 octobre 2023 (plus de 1200 morts), face à Gaza, pour mesurer pleinement le traumatisme qui continue de hanter la société israélienne, toutes tendances confondues. Mais au-delà du traumatisme, c’est aussi une profonde amertume qui submerge tout qui croyait à une cohabitation possible entre Israéliens et Palestiniens. Dans son kibboutz ravagé, la survivante Irit Lahav témoigne.
Dans les décombres du kibboutz (village communautaire) Nir Oz, à portée de vue de la bande de Gaza, la survivante Irit Lahav raconte la journée d’épouvante du 7 octobre 2023, quand des hordes de miliciens du Hamas ont envahi, dès 6 heures du matin, la propriété pour tuer, violer, piller et détruire. Réfugiée avec sa fille dans la chambre forte, dont elle avait barricadé la porte, elle a entendu les miliciens débouler cinq fois dans sa demeure, hurlant, tirant et cassant tout. « Jusqu’à 14h30, on a entendu un tir constant (elle mime le bruit de rafales). Nous étions morts de peur… On devine que les prochaines minutes sont les dernières. Nos corps tremblaient, c’était incontrôlable », témoigne-t-elle.
Quand j’étais jeune, nous allions à vélo jusqu’à la plage à Gaza. Nous n’avions pas peur. Les routes étaient normales car nous avions une bonne relation avec les Palestiniens, on célébrait des fêtes ensemble.
Les premiers soldats israéliens ne sont étrangement arrivés à Nir Oz qu’à 14h50. Au total, 117 résidents du kibboutz ont été abattus ou pris en otage. Sur 400.
Le site du festival du festival SuperNova devenu un mémorial. Plus de 380 jeunes y ont été assassinés. Crédit : FJDO.
« On célébrait des fêtes ensemble »
Deux ans après, elle se souvient : « Quand j’étais jeune, nous allions à vélo jusqu’à la plage à Gaza. Nous n’avions pas peur. Les routes étaient normales car nous avions une bonne relation avec les Palestiniens, on célébrait des fêtes ensemble. Avant 2005, certains travaillaient dans le kibboutz. Les autorités israéliennes ont ensuite forcé les Juifs de Gaza à quitter leurs implantations, car les attaques étaient incessantes. A l’époque, je me suis dit que c’était une bonne décision, que cela améliorerait nos relations ».
Les autorités israéliennes ont ensuite forcé les Juifs de Gaza à quitter leurs implantations, car les attaques étaient incessantes. A l’époque, je me suis dit que c’était une bonne décision, que cela améliorerait nos relations.
Mais deux mois plus tard, des missiles sont tombés sur les kibboutz. « J’ai alors réalisé que les Palestiniens ne veulent pas seulement régner sur leurs territoires, mais s’emparer de tout Israël », poursuit cette quinquagénaire qui se présente comme « très à gauche, même ma mère disait que je suis plus à gauche que les Palestiniens ».
Traumatisme ravivé par la commémoration
Au-delà du traumatisme ravivé par la commémoration, Irit conclut sur son « immense déception ». « J’avais deux grands amis, Chaim Peri et Oded Lifschitz, l’un activiste pour la paix, l’autre journaliste, ils ont été enlevés et emmenés dans les tunnels de Gaza. Nous faisions partie d’une organisation appelée Road to Recovery (la route vers la guérison, ndlr). Tout Palestinien qui avait besoin de traitements pour des cancers, des dialyses etc. pouvaient faire appel à notre organisation pour les conduire vers des hôpitaux israéliens. Nous le faisions avec nos propres véhicules, sur notre propre temps… Chaim et Oded sont morts dans les tunnels du Hamas », confie -t-elle.
Une photo du kibboutz détruit. Crédit : FJDO.
Tout Palestinien qui avait besoin de traitements pour des cancers, des dialyses etc. pouvaient faire appel à notre organisation pour les conduire vers des hôpitaux israéliens. Nous le faisions avec nos propres véhicules, sur notre propre temps… Chaim et Oded sont morts dans les tunnels du Hamas.
Elle marque un silence, avant de conclure : « Mais je ne veux pas que les Palestiniens meurent, même ceux qui ont tué mes amis ».
François Janne d’Othée (en Israël)
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Source: LPOST
