Royaume-Uni : la ministre du sans-abrisme, Rushanara Ali, emportée par un scandale locatif
Démission d’une ministre du Gouvernement de Keir Starmer sur fond d’un conflit d’intérêt lié à la propriété de logements loués. BENJAMIN CREMEL / AFPRushanara Ali, députée travailliste et ministre déléguée chargée de la lutte contre le sans-abrisme au Royaume-Uni, a démissionné suite à un scandale qui a secoué la classe politique britannique. Cette affaire, révélée par plusieurs médias majeurs tels que The Guardian, BBC et The Independent, met en lumière un paradoxe troublant entre son rôle public et ses pratiques privées.
À Londres, où la crise du logement atteint des sommets, Rushanara Ali était censée incarner la voix des sans-abris et des locataires vulnérables. Pourtant, cette dernière se retrouve au cœur d’une polémique politique et médiatique : ses locataires ont reçu un préavis d’expulsion justifié officiellement par la volonté de vendre un bien immobilier. Or, plusieurs mois plus tard, il est apparu que l’appartement n’a jamais été mis en vente. Au contraire, il a été reloué à un nouveau locataire… avec une augmentation de loyer de 700 livres par mois, bien au-delà des hausses habituelles.
Pratique courante qui interpelle et une ministre en porte-à-faux
Cette pratique, bien connue dans la capitale britannique, permet aux propriétaires d’échapper aux procédures longues et coûteuses d’expulsion en invoquant une vente, avant de remettre le bien sur le marché à un tarif beaucoup plus élevé. Ce mécanisme, dénoncé par des associations comme Shelter et des syndicats de locataires, exacerbe la précarité des ménages modestes. Mais ici, ce sont les contradictions d’une ministre en charge de protéger ces mêmes locataires qui provoquent l’indignation.
Le scandale éclate alors que le Gouvernement travailliste s’apprête à présenter une réforme majeure visant à interdire les expulsions dites « sans motif » et à limiter drastiquement les hausses abusives de loyers.
Le scandale éclate alors que le Gouvernement travailliste s’apprête à présenter une réforme majeure visant à interdire les expulsions dites « sans motif » et à limiter drastiquement les hausses abusives de loyers. Parmi les mesures clés : l’interdiction pour un propriétaire qui prétend reprendre un logement pour le vendre, y loger un proche ou le relouer immédiatement.
Crédibilité mise à mal et défense qui ne convainc pas
Face à ces révélations, la crédibilité de Rushanara Ali est sérieusement mise à mal. Pour ses détracteurs, il est impossible de défendre les droits des locataires tout en pratiquant ces méthodes sur ses propres biens. La ministre a tenté de justifier ses actes en invoquant des charges financières imprévues et son droit légal à fixer le loyer selon le marché, mais cette défense n’a pas convaincu.
Des syndicats comme London Renters Union ont fustigé « un symbole du fossé entre les promesses politiques et la réalité vécue par les locataires ».
Plusieurs voix, y compris au sein du Parti travailliste, ont dénoncé un double discours. Des syndicats comme London Renters Union ont fustigé « un symbole du fossé entre les promesses politiques et la réalité vécue par les locataires ».
Le problème du conflit d’intérêts n’est pas nouveau au Royaume-Uni. De nombreux parlementaires possèdent des biens immobiliers qu’ils louent, souvent dans des zones où la crise du logement est la plus aiguë, comme l’a souligné une enquête récente du Times. Cette situation nourrit depuis des années la défiance envers une classe politique perçue comme déconnectée des difficultés du quotidien des ménages modestes.
Loyers hors de prix à Londres
Sur le terrain, la crise du logement reste alarmante. À Londres, les loyers atteignent des records historiques, souvent à plus de la moitié des revenus des locataires. Les associations de lutte contre le sans-abrisme alertent sur une hausse du nombre de familles contraintes à vivre dans des hébergements temporaires ou des refuges d’urgence. Dans ce contexte, le scandale autour de Rushanara Ali devient un symbole politique lourd, qui dépasse la seule légalité de ses actes.
Certains militants et parlementaires proposent désormais un choix clair : ou bien renoncer à leurs investissements immobiliers, ou bien renoncer à des fonctions ministérielles liées au logement et à la régulation des loyers.
Cette controverse pourrait avoir des répercussions profondes. Elle relance le débat sur l’opportunité d’intégrer dans la législation sur le logement une disposition interdisant aux responsables politiques concernés par le sujet de détenir eux-mêmes des biens locatifs. Certains militants et parlementaires proposent désormais un choix clair : ou bien renoncer à leurs investissements immobiliers, ou bien renoncer à des fonctions ministérielles liées au logement et à la régulation des loyers. Une réforme qui pourrait bouleverser les pratiques à Westminster.
En attendant, chaque déclaration publique de la ministre démissionnaire est désormais scrutée à la loupe, ses discours sur la justice sociale et la protection des locataires sont analysés sous le prisme de cette affaire. Dans un contexte où la confiance envers la classe politique est déjà fragile, ce scandale a fait basculer une simple controverse en véritable crise politique.
Léna Job (au Royaume-Uni)
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Source: LPOST
