Le Royaume-Uni abaisse l’âge de vote à 16 ans et rejoint un cercle fermé de pays en avance
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, concrétise une promesse de campagne an abiassant l’âge de vote à 16 ans.En annonçant l’abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans, le Gouvernement britannique vient de bousculer l’un des piliers les plus rigides de la démocratie occidentale. La réforme, présentée comme une mesure d’élargissement démocratique par le nouveau Premier ministre Keir Starmer, est aussi un geste politique fort : celui de replacer la jeunesse au centre du débat public, dans un pays fracturé par les inégalités générationnelles. Cette décision, historique par son ampleur, ne vient pas de nulle part. Elle s’ancre dans une recomposition politique en cours, portée par une majorité travailliste fraîchement élue et bien décidée à faire oublier les années d’austérité et d’immobilisme. Mais elle pose aussi une question plus vaste, plus vertigineuse : et si l’avenir démocratique du Royaume-Uni passait désormais par ses lycéens ?
Une promesse de campagne devenue loi
L’annonce est intervenue à peine deux semaines après la victoire écrasante du Parti travailliste aux législatives anticipées de juillet 2025. Déjà évoquée dans le manifeste du Labour, la réforme n’a pas traîné : un texte de loi sera présenté au Parlement dès la rentrée, avec un objectif clair : permettre aux jeunes de 16 et 17 ans de voter dès les prochaines élections générales, prévues en 2029, et peut-être même avant si des élections locales sont convoquées plus tôt.
Le Premier ministre, Keir Starmer, parle d’un « élargissement de la démocratie britannique » et d’un « acte de confiance envers une génération engagée, informée et prête à participer ».
Le Premier ministre, Keir Starmer, parle d’un « élargissement de la démocratie britannique » et d’un « acte de confiance envers une génération engagée, informée et prête à participer ». Un ton résolument optimiste, qui tranche avec le conservatisme assumé du gouvernement précédent, où l’ancien Premier ministre, Rishi Sunak, avait fermement rejeté toute discussion sur l’abaissement du seuil électoral.
Le précédent écossais et gallois
Loin d’être une première au Royaume-Uni, cette extension du droit de vote à 16 ans généralise en réalité ce qui était déjà en place dans certaines nations du royaume. En Écosse, les jeunes peuvent voter aux élections locales et parlementaires depuis 2015. Le pays de Galles a suivi en 2021. En Angleterre et en Irlande du Nord, en revanche, la barrière des 18 ans restait inchangée.
Cette différence de traitement territorial avait nourri un sentiment d’inégalité démocratique chez de nombreux jeunes, notamment à Londres ou Manchester.
Cette différence de traitement territorial avait nourri un sentiment d’inégalité démocratique chez de nombreux jeunes, notamment à Londres ou Manchester. Avec cette réforme, le Gouvernement Starmer uniformise le droit électoral sur l’ensemble du territoire britannique, et envoie un signal politique fort : les jeunes ne sont plus un groupe à amadouer, mais une génération à intégrer pleinement.
Un pari risqué sur le plan politique ?
Les critiques n’ont pas tardé à fuser. Du côté des conservateurs, désormais relégués dans l’opposition, certains dénoncent un coup politique destiné à gonfler artificiellement le réservoir électoral du Labour, traditionnellement plus populaire chez les jeunes. D’autres, plus modérés, pointent une contradiction : on permet à des mineurs de voter, mais pas de signer un contrat de travail sans l’accord des parents ou d’acheter de l’alcool.
Du côté des conservateurs, désormais relégués dans l’opposition, certains dénoncent un coup politique destiné à gonfler artificiellement le réservoir électoral du Labour, traditionnellement plus populaire chez les jeunes.
Mais ces objections masquent souvent une peur plus sourde : celle de perdre le contrôle d’un électorat historiquement plus conservateur avec l’âge. Car depuis le Brexit, les divisions générationnelles sont devenues une clef de lecture centrale de la vie politique britannique. Les 18-25 ans votent massivement à gauche, soutiennent les droits des minorités, l’environnement, et l’intégration européenne. Leur donner plus de poids, c’est changer l’équation électorale sur le long terme.
Une jeunesse politisée mais désillusionnée
Ce qui frappe dans le débat actuel, c’est que la jeunesse est à la fois très mobilisée, et profondément désenchantée. Les marches pour le climat, les campagnes contre les coupes budgétaires dans l’éducation, les mobilisations étudiantes contre les frais d’inscription exorbitants…, tout cela a donné naissance à une génération qui comprend les enjeux, mais doute de sa capacité à peser réellement.
On s’organise, on manifeste, on parle de tout sur les réseaux. Le vote, c’est juste une façon de dire officiellement qu’on existe aussi dans ce pays.
Le vote à 16 ans ne résout pas tout. Il ne corrige pas à lui seul l’abstention record dans les quartiers populaires, ni l’impression croissante que la politique est un théâtre lointain, déconnectée de la vie réelle. Mais il offre une clé d’entrée symbolique et concrète, qui pourrait redonner sens à l’idée même de participation.
« Ce n’est pas que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique, c’est qu’on a rarement l’occasion d’y croire », confie Aaliyah Malik, 17 ans, militante à Youth for Change UK. « On s’organise, on manifeste, on parle de tout sur les réseaux. Le vote, c’est juste une façon de dire officiellement qu’on existe aussi dans ce pays ».
Une onde de choc européenne ?
Avec cette réforme, le Royaume-Uni rejoint un petit cercle de pays ayant déjà abaissé l’âge du droit de vote à 16 ans.
L’Autriche a été pionnière en la matière dès 2007, autorisant les jeunes à voter à toutes les élections. En Écosse et au pays de Galles, les 16-17 ans peuvent déjà participer aux scrutins locaux et parlementaires depuis respectivement 2015 et 2021.
Avec cette réforme, le Royaume-Uni rejoint un petit cercle de pays ayant déjà abaissé l’âge du droit de vote à 16 ans.
D’autres pays européens comme Malte (depuis 2018) et l’Estonie (aux élections municipales depuis 2017) ont suivi. En Allemagne, le vote à 16 ans est désormais une réalité dans plusieurs Länder, avec une extension progressive en cours. Hors d’Europe, le Brésil, l’Argentine et l’Équateur autorisent eux aussi le vote des 16-17 ans, parfois de façon facultative. Si la tendance reste minoritaire à l’échelle mondiale, elle dessine néanmoins une dynamique : celle d’une jeunesse que de plus en plus d’États choisissent de reconnaître comme actrice politique à part entière.
Une démocratie élargie… mais pas encore réparée
Reste une question de fond : donner le droit de vote à 16 ans, c’est bien, mais que fait-on de la représentation ? Les jeunes voteront, mais seront-ils écoutés ? Auront-ils des députés qui leur ressemblent, des politiques publiques qui les concernent réellement ?
Reste une question de fond : donner le droit de vote à 16 ans, c’est bien, mais que fait-on de la représentation ? Les jeunes voteront, mais seront-ils écoutés ?
Le risque, c’est qu’on leur ouvre la porte électorale tout en maintenant un système politique taillé pour les plus de 50 ans : fiscalement, médiatiquement, culturellement. Il ne suffit pas de cocher la case « droit de vote » pour inclure toute une génération. Il faut repenser la place qu’on lui accorde dans les choix de société, dans les priorités budgétaires, dans la manière même de concevoir le pouvoir.
Léna Job (à Londres)
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Source: LPOST
