Rapport annuel du Parquet fédéral : le nombre de mineurs impliqués dans des affaires terroristes a doublé en un an
Eric Van Der Sypt (à gauche sur la photo), Ann Fransen (au centre) et Ann Lukowiak (à droite) lors d’une conférence de presse pour annoncer la clôture de l’information judiciaire dans l’affaire des Tueurs du Brabant, vendredi 28 juin 2024 à Bruxelles. BELGALe Parquet fédéral vient de rendre son rapport annuel pour 2024. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a rien de rassurant dans un contexte marqué par la persistance de la menace terroriste, la montée en flèche de la cybercriminalité et du crime organisé et l’explosion des faits criminels liés au trafic de stupéfiants.
L’un des constats qui ressort d’une lecture attentive du rapport annuel du Parquet fédéral concerne le terrorisme. Et il n’a rien de vraiment étonnant : en Belgique comme ailleurs, on assiste à un fort rajeunissement des candidats au djihad.
Le nombre de mineurs impliqués dans des affaires terroristes a doublé en un an
En 2002, seize dossiers avaient été ouverts, en Belgique, pour des faits de terrorisme impliquant des mineurs. En 2023, ou en comptait 24, et l’année dernière 55. Leur nombre a donc plus que doublé en deux ans. Mais la même évolution peut être observée en France et dans d’autres pays européens.
En 2002, seize dossiers avaient été ouverts, en Belgique, pour des faits de terrorisme impliquant des mineurs. En 2023, ou en comptait 24, et l’année dernière 55.
Globalement, la menace reste importante : 70 personnes ont été mises en examen, l’année dernière, pour des faits terroristes, qu’il s’agisse d’apologie, de financement ou de préparation d’attentats. C’est beaucoup moins qu’entre 2015 et 2017 – on procédait alors presque chaque semaine à des arrestations -, mais cela suffit (largement) à maintenir la pression sur les magistrats et services spécialisés.
Le pays n’a plus été visé par des attentats de masse comme ceux du 16 mars 2016 (35 morts et 340 blessés dans un « doublé » terroriste à l’aéroport de Bruxelles National et dans le métro Maelbeek) mais on se rappellera que, le 10 novembre 2022, un policier de 29 ans était égorgé dans une rue de l’est de la capitale et que le 16 octobre 2023, 2 Suédois trouvaient la mort en marge d’un match de football entre leur pays et la Belgique. Si d’autres drames ont pu être évités, c’est uniquement dû au travail des services de renseignement et de police, et à la coopération internationale. Ainsi, en 2023, une cellule franco-belge qui projetait un attentat contre l’ambassade d’Israël à Bruxelles était démantelée, preuve de la grande proximité existant entre les mouvances islamistes radicales belge et française. Et ce groupe était intégralement formé d’adolescents.
Propagande massive et autoradicalisation
La Procureure fédérale Ann Fransen commentait lundi matin, 26 mai, dans les colonnes du Soir, cette « augmentation exponentielle » des mineurs terroristes, évoquant des « loups solitaires, qui n’ont pas rejoint un groupe terroriste à l’étranger et qui se sont autoradicalisés sur les médias sociaux » : « on voit effectivement de plus en plus de profils de mineurs qui se radicalisent très tôt sur ces plateformes voire s’impliquent dans la préparation de projets d’attentats ».
On voit effectivement de plus en plus de profils de mineurs qui se radicalisent très tôt sur ces plateformes voire s’impliquent dans la préparation de projets d’attentats.
Comme en France, si de plus en plus de mineurs sont attitrés par la radicalité et la violence terroriste, c’est parce qu’ils sont l’objet d’une propagande massive, ciblée et efficace. Ann Fransen, encore : « C’est l’élément clé dans tout ce que je vois passer au niveau “terro”. D’anciennes formes de propagandes, comme des textes de Sharia for Belgium, circulent toujours et se mêlent à des formes plus récentes. Les algorithmes font en sorte que de plus en plus de ces jeunes sont exposés. Ils se rencontrent aussi dans des groupes fermés, que ce soit sur Telegram, TikTok, Snapchat, où ils finissent par s’encourager mutuellement, avec parfois l’un d’eux qui finit par prendre le lead. »
Enfin, si le terrorisme d’ultra-droite ne doit pas être négligé, il reste marginal : le danger principal est bel et bien celui du djihadisme, porté pour l’essentiel par l’Etat islamique au Khorassan (ISK), la branche centre-asiatique de Daech qui tente de s’étendre en Europe et est arrivée à créer un véritable Califat virtuel et occupe une place de premier plan dans l’écosystème djihadiste depuis l’attentat qui fit 145 morts et plus de 550 blessés à Moscou le 22 mars 2024.
Une cybercriminalité en hausse constante mais seulement…deux magistrats spécialisés
Autre menace importante, moins sanglante, certes que celle du terrorisme, mais qui peut faire des ravages économiques voire un jour paralyser le fonctionnement du pays : celle de la cybercriminalité.
Or, la lutte contre ce fléau reste le parent pauvre du parquet fédéral qui ne compte actuellement deux magistrats spécialisés (sur un total d’une trentaine de procureurs et substituts).
Dans l’attaque qui a touché l’administration wallonne, il y a un mois, le procès-verbal initial a – fort logiquement – été rédigé en français. Mais aucun magistrat francophone ne s’est spécialisé en cybercriminalité.
Quand la menace touche l’Etat et ses infrastructures essentielles, le parquet parle de « dossiers Alpha ». Et le parquet fédéral croule littéralement sous ce type d’affaires. Avec une spécificité belge. Dans l’attaque qui a touché l’administration wallonne, il y a un mois, le procès-verbal initial a – fort logiquement – été rédigé en français. Mais aucun magistrat francophone ne s’est spécialisé en cybercriminalité et il a donc fallu confier le dossier à une magistrate ayant eu son diplôme dans la langue de Voltaire mais n’étant pas spécialisée. Heureusement, elle peut se faire assister de ses collègues néerlandophones gérant cette matière.
Bref, les menaces ne manquent pas : terrorisme et crime organisé, corruption (on se rappellera du « Qatargate »), le tout dans un contexte international qui augmente exponentiellement les risques, que ce soit ceux de la « guerre hybride » russe, ou de l’espionnage chinois ou, iranien, pour ne citer qu’eux.
Et face à ces dangers, on le sait, la justice ne semble pas être la priorité absolue du monde politique, ainsi qu’en témoigne la grogne sociale qui agite la magistrature depuis plusieurs mois. Et qui ralentit encore le traitement des dossiers…
Hugues Krasner
L’article Rapport annuel du Parquet fédéral : le nombre de mineurs impliqués dans des affaires terroristes a doublé en un an est apparu en premier sur L-Post.
Source: LPOST