L’attaque au couteau de Hambourg et la grande misère de la psychiatrie en Europe
L’attaque au couteau à lagare d’Hambourg a fait 18 blessés vendredi 23 mai 2025. AFPVendredi soir, 23 mai, une attaque au couteau à la gare centrale de Hambourg – la plus fréquentée d’Allemagne – a fait 18 blessés, dont une dizaine dans un état grave. Il ne s’agissait pas, cette fois, d’un attentat djihadiste ni même d’une attaque « politique », mais bien d’un cas relevant de la psychiatrie. Il met en évidence, une fois de plus, la grande misère de la psychiatrie en Europe. Une situation qui nous met tous en danger.
Il était un peu plus de 18 heures, vendredi, à Hambourg, lorsque la violence la plus extrême s’est invitée à la gare centrale de l’ancienne ville hanséatique. Une jeune femme s’est jetée sur la foule, très dense, qui attendait, sur un quai, d’embarquer dans un train et a commencé à poignarder à tout-va. Avant d’être maîtrisée par deux passants courageux et d’être arrêtée par la police, elle est arrivée à blesser 18 personnes. Le nombre, particulièrement élevé, de blessés, s’explique aisément.
La gare centrale de Hambourg est la plus fréquentée d’Allemagne, selon l’entreprise ferroviaire nationale, Deutsche Bahn (DB), elle accueille environ 550.000 personnes par jour.
La gare centrale de Hambourg est la plus fréquentée d’Allemagne – selon l’entreprise ferroviaire nationale, Deutsche Bahn (DB), elle accueille environ 550.000 personnes par jour – et vendredi en fin d’après-midi, elle était bondée. Les gens pouvaient à peine se frayer un chemin sur le quai où l’attaque a eu lieu. Et pour cause : à Hambourg, les vacances de mai, qui durent une semaine, commençaient ce week-end.
Un acte de démence
Le spectacle était dantesque : partout gisaient des corps, étendus dans des flaques de sang. C’est un miracle, vu le nombre de personnes touchées et la gravité de certaines blessures qu’il n’y ait eu aucun mort : 4 victimes évacuées en urgence absolue et 6 autres « grièvement atteintes », selon la police. Vendredi soir, la vie des quatre victimes les plus sérieuses était considérée comme en danger mais dimanche matin, on confirmait que tous survivraient. Mais tous resteront marqués dans leurs chairs et tous, certainement, garderont de cette horreur des séquelles psychologiques à vie.
Les spéculations allaient bon train, évidemment, sur le mobile de cette attaque sauvage, mais la police a rapidement annoncé qu’elle écartait la piste terroriste.
Un peu plus tard dans la soirée, des images ont commencé à circuler, montrant une femme de petite taille, au visage flouté, emmenée par les forces de l’ordre, tandis que la police de Hambourg confirmait avoir arrêté « une suspecte allemande de 39 ans ayant agi seule ».
Les spéculations allaient bon train, évidemment, sur le mobile de cette attaque sauvage, mais la police a rapidement annoncé qu’elle écartait la piste terroriste. Etant donné le nombre de personnes visées, il ne s’agissait pas d’une attaque ciblée liée à un différend personnel. Restait alors deux pistes, la criminelle ou un acte de démence.
Sortie de l’hôpital la veille du drame
C’est finalement l’hypothèse de la démence qui s’est imposée d’elle-même. La police a déclaré, dans la soirée, que la suspecte était connue pour de multiples antécédents psychiatriques. Et sa garde à vue a dû être levée très rapidement pour qu’elle soit admise, vu son état mental, dans un hôpital.
Non seulement la jeune femme arrêtée la veille avait de lourds antécédents, mais elle avait aussi fait l’objet de plusieurs internements d’office.
Samedi en fin de journée, on était en possession de tous les éléments permettant d’analyser ce qui s’était passé. Non seulement la jeune femme arrêtée la veille avait de lourds antécédents, mais elle avait aussi fait l’objet de plusieurs internements d’office et n’avait été libérée de sa dernière hospitalisation forcée que la veille de l’attaque.
Une décision prise, manifestement, sur base d’un diagnostic erroné ou hâtif puisque moins de24 heures après sa sortie, elle se livrait à l’impensable, soit dans le cadre d’une bouffée délirante, soit dans celui d’une crise psychotique.
Que faire contre les cas psychiatriques ?
Contre ce genre de circonstances, la meilleure des sécurités ne peut rien ou pas grand-chose. A la suite d’affaires similaires, la sécurité a en effet été fortement renforcée en Allemagne. La gare de Hambourg est ainsi soumise à une interdiction des armes et de la consommation d’alcool.
De plus, depuis fin 2024, les couteaux sont interdits dans les transports publics dans la ville. Enfin, depuis 2023, des patrouilles dites « Quattro », composées d’agents de la police régionale, de la police fédérale, de la sécurité de la DB et de la sécurité du métro, quadrillent la gare.
A la suite d’affaires similaires, la sécurité a en effet été fortement renforcée en Allemagne.
Selon la police, cela a permis de réduire d’environ 25 % le nombre d’infractions violentes à la gare centrale l’année dernière. Selon les autorités locales, environ 540 infractions violentes y ont été commises en 2024, contre 720 en 2023. En revanche, dans le quartier de Sankt Georg, adjacent à la gare, les chiffres de la criminalité ont fortement augmenté ces dernières années, et les habitants se plaignent depuis longtemps d’une recrudescence de la criminalité liée à la drogue.
La grande misère de la psychiatrie européenne
Mais l’affaire de Hambourg, plus que de failles possibles de la sécurité – sachant que, de toute façon, dans ce domaine, il n’existe pas de système infaillible ou d’assurance à 100% – tient de la grande misère de la psychiatrie allemande.
Pour des raisons budgétaires, de nombreux lits ont été supprimés en psychiatrie hospitalière. S’y rajoutent des choix d’orientation qui font que le nombre de psychiatres n’est pas suffisant et que donc, les soins ambulatoires, et entre autres l’encadrement des malades « libérés » des hôpitaux ne peuvent être assurés de manière satisfaisante.
Circonstance aggravante : on sait qu’en Allemagne (mais également en Belgique et en France) il existe sur le marché du médicament de fortes tensions qui amènent à des ruptures de la chaîne d’approvisionnement. Et ces pénuries touchent également les neuroleptiques, entre autres certains traitements de la schizophrénie.
Que ce soit en Allemagne, en France, en Belgique ou ailleurs en Europe, nous sommes donc à la merci de la répétition de drames semblables à celui de Hambourg.
Enfin, on est probablement en train d’assister à ce que de nombreux spécialistes avaient annoncé lors de la pandémie du Covid-19 : une explosion des urgences psychiatriques qui s’explique, entre autres, par de longs confinements qui ont limité les interactions sociales, empêché certains diagnostics et interrompu des thérapies. Résultat : des patients déjà traités ont été fragilisés et des cas qui auraient pu être détectés en temps utiles ne l’ont pas été.
Que ce soit en Allemagne, en France, en Belgique ou ailleurs en Europe, nous sommes donc à la merci de la répétition de drames semblables à celui de Hambourg.
Hugues Krasner
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Source: LPOST
