Des prélats ultra-conservateurs et des critiques du pape François parmi les favoris à sa succession
Décédé lundi matin 21 avril à 7h35, le pape François laisse un grand vide à la tête de l’Eglise catholique romaine. La « constitution » de la petite Cité du Vatican prévoit des obsèques durant 9 jours de prières et de cérémonies durant lesquels les cardinaux fixeront la date de la messe des funérailles et de l’entrée en conclave pour élire le prochain Pape. Le conclave devrait se tenir dans un délai de 15 à 20 jours. Parmi les cardinaux qui se rendront à Rome pour les obsèques du pape François, 135 électeurs âgés de moins de 80 ans. Voici la liste des grands favoris qui circulent. Parmi eux figurent deux Africains ultra-conservateurs et des prélats critiques du pape François.
Les catholiques du monde entier et les sympathisants de l’Eglise catholique sont en deuil depuis l’annonce ce lundi de Pâques 21 avril du décès du pape François (88 ans). Le souverain pontife est décédé à 7h35 des suites d’un AVC. Il faut dire qu’il était fragilisé depuis plusieurs jours par pneumonie bilatérale. L’annonce de son départ vers les cieux a créé une onde de choc dans le monde entier dépasse le grand cercle des catholiques. Dimanche, même affaibli par la maladie, il avait pris un bain de foule sur la place Saint-Pierre après avoir prononcé la bénédiction Urbi et Orbi.
Le camerlingue Kevin Farrell assure l’intérim du pape
La « constitution » de la petite Cité du Vatican prévoit des obsèques durant 9 jours de prières et de cérémonies durant lesquels les cardinaux fixeront la date de la messe des funérailles et de l’entrée en conclave pour élire le prochain Pape. Le conclave devrait se tenir dans un délai de 15 à 20 jours. Il pourrait durer des jours si les 135 cardinaux âgés de moins de 80 ans n’arrivent pas à élire rapidement le 267ème Pape. En attendant, c’est le cardinal ayant la double nationalité (américain et irlandais) Kevin Farrell (77 ans) qui fait office de pape par intérim. Il assure la mission de préfet du dicastère (ministère) pour les laïcs, la famille et la vie depuis 2019. Il est désormais le « camerlingue » qui va gérer les affaires courantes de l’Eglise jusqu’à l’élection du nouveau souverain pontife.
Les favoris à la succession du pape
Quelques noms circulent parmi les favoris.
Le cardinal italien Pietro Parolin
Il est actuellement le secrétaire d’Etat (assimilé à un poste de Premier ministre) du Vatican. Le cardinal italien Pietro Parolin (70 ans), est présenté comme le grand favori pour succéder au Pape François. Diplomate de carrière et avant de devenir le numéro deux du Vatican en 2013, il était nonce apostolique au Venezuela (2009-2013), où il a dû gérer les difficiles relations entre l’Eglise et le président Hugo Chávez. Il avait auparavant piloté des dossiers sensibles comme les relations avec le Vietnam, la Chine ou encore de dossier israélo-palestinien. Mgr Pietro Parolin avait aussi participé à la rédaction de la lettre historique de 2007 du pape Benoît XVI aux catholiques de Chine, pour tenter de désamorcer le conflit avec le régime communiste.
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Le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, arrive pour sa rencontre avec le Premier ministre libanais au palais du gouvernement à Beyrouth, le 26 juin 2024. (Photo par JOSEPH EID / AFP)
Le cardinal italien Matteo Zuppi
Le cardinal italien Matteo Zuppi (69 ans) préside la Conférence épiscopale italienne depuis 2022. Il était l’envoyé spécial du pape François pour la paix en Ukraine. Archevêque de Bologne, il a été fait cardinal pour la communauté Sant’Egidio, fondée en 1968. Cette dernière est une association de fidèles catholiques laïcs, elle s’occupe désormais de diplomatie et des efforts de paix. Initialement, elle intervenait pour l’aide aux pauvres et aux exclus. Elle s’était fait connaître sur la scène internationale notamment via la signature, en 1992, d’un accord de paix au Mozambique, dans lequel le cardinal Matteo Zuppi avait joué un grand rôle.
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Le cardinal italien Matteo Zuppi, envoyé du pape François pour la paix en Ukraine, préside une messe à la cathédrale de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge Marie à Moscou, le 29 juin 2023. (Photo par Olesya KURPYAYEVA / AFP).
Le cardinal français Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille depuis 2013, le cardinal Jean-Marc Aveline (66 ans) est l’artisan de la visite du pape François dans la Cité phocéenne en septembre 2023 lors des rencontres méditerranéennes. Présenté comme un défenseur de la fraternité interculturelle, le Français est une personnalité joviale. Il vient d’être élu à la tête de la Conférence des évêques de France (CEF). Mgr Jean-Marc Aveline défend le principe d’un dialogue avec l’islam et la vision d’une Eglise davantage tournée vers les pays du Sud. Il est proche du défunt Pape dans la mesure où il est un partisan d’un dialogue interreligieux apaisé et défend les migrants.
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Le pape François (à droite) s’exprime aux côtés du cardinal Jean-Marc Aveline lors d’une rencontre privée avec des personnes en difficulté économique à la Maison des Missionnaires de la Charité, à l’occasion des Rencontres méditerranéennes (MED 2023), à Marseille, dans le sud de la France, le 23 septembre 2023. (Photo par YARA NARDI / POOL / AFP).
Le cardinal allemand Gerhard Müller
Mgr Gerhard Ludwig Müller (77 ans) est un ancien préfet de la puissante congrégation pour la doctrine de la Foi (gardien du dogme au Vatican). Il a été mis à la retraite par le pape François en 2017. Religieux ultra-conservateur, il avait publié en 2023 un livre dans lequel il critiquait la gouvernance et le style du jésuite argentin de Jorge Mario Bergoglio, en dénonçant l’influence d’une « coterie » autour du pape François et en s’inquiétant de sa « confusion doctrinale ».
Le pape n’est pas au-dessus de la parole de Dieu.
En 2020, il avait attaqué le pape François, après la polémique suscitée par son franc soutien aux unions civiles pour les couples homosexuels. « Le pape n’est pas au-dessus de la parole de Dieu », avait-il déclaré dans le journal italien Corriere della Sera. Il avait aussi critiqué la gestion de la crise du Covid-19 en participant à un appel de l’ex-nonce aux USA, Carlo Maria Vigano le 8 mai 2020. D’après les signataires de cet appel, sous le prétexte de la crise du Covid, les droits et les libertés fondamentales de nombreux citoyens ont été « restreints de manière disproportionnée et injustifiée ». Ils avaient estimé que la santé publique ne doit pas devenir un alibi « pour libérer les autorités civiles de leur devoir d’agir avec sagesse pour le bien commun ».
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Le cardinal Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, assiste à une conférence de presse le 25 octobre 2016 au Vatican. (Photo par ALBERTO PIZZOLI / AFP).
Le cardinal philippin Luis Antonio Tagle
Il est présenté comme l’étoile montante asiatique de l’Eglise catholique. Mgr Lui Antonio Tagle (67 ans) est un théologien philippin et très à l’écoute des pauvres. Il est connu pour fondre en larmes lorsqu’il est ému, et est très proche des idées réformistes du pape François. Ce profil le fait souvent figurer dans la liste des possibles futurs souverains pontifes. Créé cardinal en novembre 2012 par le pape Benoît XVI, Mgr Luis Antonio Tagle a présidé Caritas International, avant d’être promu en 2019 à la tête de l’importante Congrégation pour l’évangélisation des peuples, qui supervise les activités de diffusion du catholicisme dans le monde. Il participe a conclave de 2013 qui a élu le pape François.
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Le pape François (2e à droite) salue le cardinal philippin Luis Antonio Tagle (à gauche) lors d’une cérémonie de bienvenue au palais présidentiel de Jakarta, le 4 septembre 2024. (Photo par Tiziana FABI / AFP).
Le cardinal brésilien Sergio da Rocha
Le cardinal brésilien Sérgio da Rocha, 65 ans, est considéré comme le grand favori pour l’Amérique du sud. Archevêque de Salvador de Bahia depuis 2020, il fut créé cardinal le 19 novembre 2016 par le pape François. Il était l’un des membres du C9, le conseil des 9 cardinaux qui assistaient le souverain pontife dans le gouvernement de l’Eglise. Son nom est l’un des plus susceptibles de recueillir le soutien majoritaire au sein du conclave sud-américain.
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Sergio Da Rocha, récemment élevé au rang de cardinal et archevêque de Brasilia, arrive pour une visite de courtoisie avec sa famille après un consistoire, le 19 novembre 2016, dans la salle d’audience Paul VI au Vatican. (Photo by VINCENZO PINTO / AFP).
Le cardinal ghanéen Peter Turkson
Originaire de Nsuta, au cœur du pays Ashanti au Ghana, Mgr Peter Kodwo Appiah Turkson (76 ans) est le président du Conseil pontifical « Justice et paix » depuis octobre 2009. Mais il a été préfet du dicastère pour le service du développement humain intégral d’août 2016 à décembre 2021. Mgr Peter Turkson est titulaire d’un doctorat en Ecriture sainte décroché à l’Institut biblique pontifical de Rome. Il a participé au conclave de 2005 (élection de Benoît XVI) et à celui de 2013 (élection du pape François).
Après la démission de Benoît XVI en février 2013, son nom avait été cité parmi les favoris présider aux destinées de l’Eglise catholique romaine. Mais ses chances ont été réduites quand il a été cité par l’association américaine, le Réseau des survivants abusés par des prêtres (SNAP, Survivors Network of those Abused by Priests), comme faisant partie des « 12 salopards » pouvant être élus pape parce qu’ils auraient minimisé ou couvert le scandale.
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Le cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson assiste à la signature de l’accord du Global Freedom Network entre les représentants de l’Église catholique, de l’Église anglicane et de l’Université sunnite Al-Azhar pour lutter contre les formes modernes d’esclavage et de traite des êtres humains, le 17 mars 2014 au Vatican. (Photo par ANDREAS SOLARO / AFP).
Ces prises de position sur l’homosexualité lui ont également fait du tort. En effet, dans une interview accordée à CNN, il avait estimé que si l’Afrique n’a pas été aussi durement touchée que l’Europe par le scandale pédophile au sein de l’Eglise catholique, c’est en raison « des traditions et de la culture africaines qui rejette l’homosexualité ». Il donnait l’impression de faire un raccourci assimilant l’homosexualité à la pédophilie. Il se serait aussi opposé à la dépénalisation de l’homosexualité.
Le cardinal guinéen Robert Sarah
Agé de 79 ans, il figure parmi les favoris pour devenir pape. Il avait été nommé archevêque de Conakry en 1979 par Jean-Paul II, à seulement 34 ans, puis fait cardinal en 2010 par Benoît XVI avant de prendre la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en 2014 sur décision du pape François, mais il a démissionné de ce dernier poste en 2021. En 2020, il s’était retrouvé au centre d’une polémique suite à la sortie d’un livre défendant avec force le célibat des prêtres, cosigné avec le pape émérite Benoît XVI. Il est présenté comme prélat traditionaliste et ultra conservateur.
Ce que le nazisme et le communisme étaient au XXe siècle, l’homosexualité occidentale et les idéologies abortives et le fanatisme islamique le sont aujourd’hui.
D’après l’écrivain Frédéric Martel dans livre Sodoma, son option comme pape est l’œuvre d’un réseau de radicaux de droite proche du cardinal Robert Sarah, alors qu’il serait marginalisé au sein de l’Eglise romaine. Il avait fait la Une de Paris Match le 7 juillet 2022 sur décision du nouvel actionnaire Vincent Bolloré qui l’aurait imposé. Ce choix avait entraîné le licenciement de Bruno Jeudy, rédacteur en chef au service Politique et économie, parce qu’il avait pris la tête de l’opposition de la rédaction contre la Une du magazine qui lui était consacrée. Il est farouchement opposé à l’homosexualité et à l’immigration en Europe.
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Le nouveau cardinal guinéen Robert Sarah (au centre) accueille les visiteurs lors de la traditionnelle visite de courtoisie qui suit le consistoire, le 20 novembre 2010 au Vatican. (Photo by ALBERTO PIZZOLI / AFP).
Mgr Robert Sarah avait tenu des propos polémiques sur ces deux thèmes. « Ce que le nazisme et le communisme étaient au XXe siècle, l’homosexualité occidentale et les idéologies abortives et le fanatisme islamique le sont aujourd’hui », avait-il déclaré lors d’un synode en 2015. En 2016, il indiquait au Figaro : « Les statistiques montrent qu’il y aura dans un avenir très proche un grave déséquilibre culturel, religieux et démographique en Occident. Décadent, sans enfants, sans familles, l’Occident disparaîtra, noyé et éliminé par une population d’origine islamique. L’Occident a renié ses racines chrétiennes. Mais un arbre sans racines meurt ».
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Source: LPOST