Nucléaire iranien : en cas d’échec des négociations, il ne restera que l’option militaire


Nucléaire iranien : en cas d’échec des négociations, il ne restera que l’option militaire
Américains et Iraniens se retrouvent ce samedi 19 avril à Rome, pour une deuxième session de négociations sur le programme nucléaire. Si chacun reste sur ses positions, les pourparlers risquent fort d’échouer. Ne restera alors sur la table que l’option de l’usage de la force, sous une forme ou l’autre. Une fois de plus, dans un Moyen-Orient fortement bousculé depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 du Hamas en Israël, le compte-à-rebours est enclenché… 
« C’est une ambiance bizarre qui règne dans les chancelleries, depuis le début des négociations indirectes entre Washington et Téhéran sur le programme nucléaire. Tous feignent d’y trouver des raisons d’espérer une issue pacifique, mais personne n’y croit vraiment… ».
Cette confidence, que nous livre un diplomate français chevronné, très familier du Moyen-Orient, est un bon baromètre de l’état du dossier. Après des années de blocages, de négociations avortées, de déclarations diverses et d’ultimatums jamais respectés, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a changé la donne.
C’est une ambiance bizarre qui règne dans les chancelleries, depuis le début des négociations indirectes entre Washington et Téhéran sur le programme nucléaire.
Autant le régime des Mollahs se moquait de Joe Biden, jugé trop timoré, autant il craint « l’imprévisible » Donald Trump. Certes, Joe Biden avait soutenu Israël lors de ses brèves passes d’armes avec l’Iran, mais le président démocrate n’aurait pas pris le risque d’une nouvelle déstabilisation régionale en se joignant à l’Etat juif dans l’offensive. Avec Donald Trump, en revanche, on ne sait jamais…
Les bombardements sur le Yémen, un message pour Téhéran
Le nouveau locataire du 1600 Pennsylvania Avenue démontre presque quotidiennement, au Yémen sa détermination. Car que l’on ne s’y trompe pas : si l’aviation américaine pilonne, à peu près chaque nuit, les installations de la milice Houthie, ce n’est pas seulement pour rétablir la liberté de naviguer en Mer Rouge ou dans le détroit de Bab-el-Mandeb. C’est aussi – surtout ? – un signal envoyé à Téhéran qui soutient à bout de bras, financièrement et militairement la milice extrémiste.
Si l’aviation américaine pilonne, à peu près chaque nuit, les installations de la milice Houthie, ce n’est pas seulement pour rétablir la liberté de naviguer en Mer Rouge ou dans le détroit de Bab-el-Mandeb.
L’utilisation (rarissime) de bombardiers B-2, des appareils furtifs de « pénétration stratégique », dans les bombardements du Yémen a renforcé la leçon. Les dirigeants iraniens, d’autant plus habiles à lire entre les lignes et à décrypter les messages subliminaux qu’à en envoyer tous azimuts est l’une de leurs spécialités, l’ont très bien compris.

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Des panaches de fumée s’élèvent au-dessus des bâtiments après le bombardement de Sanaa, la capitale du Yémen contrôlée par les Houthis, le 19 mars 2025. (Photo AFP)
Après les négociations d’Oman, un optimisme mesuré
Après avoir rechigné, l’Iran a donc fini par accepter le principe de négociations avec Washington, mais en insistant sur le fait que celles-ci soient « indirectes ». Et effectivement, à Oman, lors du premier round de ces discussions, le 12 avril 2025, les délégations américaine et iranienne ne se sont jamais rencontrées, ni même croisées : elles siégeaient dans deux salles différentes et laissaient les diplomates omanais faire la navette de l’une à l’autre pour porter messages et réponses.
Au lendemain de cet essai, Donald Trump et son entourage se disaient « optimistes » sur la possibilité d’arriver à un accord. Mais y croit-il vraiment ? Rien n’est moins certain.
Certes, on le sait, Trump en homme d’affaires consommé, considère toute négociation comme un dialogue commercial. Il offre donc à Téhéran la perspective d’une levée des sanctions et d’une sortie de l’isolement en échange d’un renoncement au programme nucléaire. Mais il ne se fait pas beaucoup d’illusions sur les chances d’aboutir à une solution négociée.
Pas d’arme nucléaire pour l’Iran
Du reste, deux jours avant la « rencontre » d’Oman, il martelait : « Si une action militaire s’avère nécessaire, elle sera menée. Israël sera impliqué, c’est lui qui mènera cette opération. Mais personne ne nous dicte notre conduite, nous faisons ce que nous voulons. Je ne demande pas grand-chose, mais l’Iran ne doit pas avoir l’arme nucléaire ». Belle illustration de la « méthode Trump », alternance de menaces et de conciliations, et de la stratégie de la « pression maximale » chère au Président américain pour ce qui est de l’Iran.
Si une action militaire s’avère nécessaire, elle sera menée. Israël sera impliqué, c’est lui qui mènera cette opération.
Concrètement, Oman n’a débouché sur rien d’autre que l’organisation de cette deuxième session qui aura lieu à Rome ce samedi. Est-ce suffisant pour se montrer optimiste ? Pas vraiment. Du reste, ces derniers jours, les tensions n’ont pas cessé de grimper (mais c’est encore la « méthode Trump ») : depuis quelques jours, les déclarations les plus inquiétantes (pour Téhéran) se sont succédé.
L’Iran « pas loin de posséder la bombe atomique »
Même Rafael Grossi, le patron de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (basée à Vienne, l’AIEA est le « gendarme » du nucléaire) y a été de son couplet. Le 16 avril, dans une interview au quotidien « Le Monde », il déclarait que la République islamique n’était « pas loin » de posséder la bombe atomique. « C’est comme un puzzle, ils ont les pièces et ils pourraient un jour les assembler. Il leur reste encore du chemin à parcourir avant d’y parvenir. Mais il faut reconnaître qu’ils ne sont pas loin. Il ne suffit pas de dire à la communauté internationale « nous n’avons pas d’armes nucléaires » pour qu’elle vous croie. Nous devons pouvoir le vérifier ».
Or, le matin même, Abbas Araghchi, ministre iranien des Affaires étrangères venait de rappeler que, pour Téhéran, la question de l’enrichissement de l’uranium (une étape indispensable à la militarisation de l’atome) « n’était pas négociable ».
Simple bluff, destiné à faire monter les enchères pour obtenir de meilleures conditions si un accord est atteint ? Pas sûr. Si Téhéran a toujours nié vouloir se doter de l’arme atomique, la réalité parle d’elle-même. Depuis 20 ans, le régime iranien a franchi toutes les étapes qui séparent le nucléaire civil, objectif proclamé des mollahs, de son application militaire. Qu’il s’agisse de la multiplication des centrifugeuses nécessaire à l’enrichissement, de l’enrichissement lui-même qui a largement dépassé, selon les experts, les nécessités civiles ou de la fabrication de missiles balistiques pour « délivrer » la bombe.

AFP
Cette photo, diffusée par le Bureau de l’armée iranienne le 12 mars 2025, montre des navires de la marine participant à un exercice militaire conjoint irano-russo-chinois dans le golfe d’Oman. (Photo par l’armée iranienne/AFP).
Pour Téhéran, « la bombe » est un atout majeur
Pour l’Iran – quoique prétendent ses dirigeants – l’arme nucléaire serait un atout majeur qui le mettrait à l’abri de toute attaque, qu’elles viennent de ses voisins sunnites du Golfe ou du tandem israélo-américain. Elle sanctuariserait ainsi un régime par ailleurs fortement affaibli à la fois par les sanctions internationales, la contestation intérieure et l’affaiblissement de ses « proxys » régionaux, le Hamas, le Hezbollah et les Houthis.
Les dirigeants iraniens veulent simplement gagner le peu de temps dont ils ont encore besoin pour obtenir la bombe.
« Ce que Téhéran recherche à travers ces négociations », nous souffle un ancien haut responsable du Mossad, « ce n’est pas un accord. Ses dirigeants veulent simplement gagner le peu de temps dont ils ont encore besoin pour obtenir la bombe. Et ils pensent qu’une fois qu’ils l’auront, ils seront intouchables. Mais nous ne le permettront pas ».
Veto américain à une opération israélienne
Pourtant, le New York Times, affirmait jeudi que Washington avait « bloqué » une opération israélienne planifiée pour le mois de mai. Elle visait à détruire le potentiel industriel et scientifique iranien utile au programme nucléaire par une campagne de bombardements intenses d’une semaine.
Un veto qui est toutefois loin d’être définitif. Nos sources à Tel Aviv et à Washington nous affirment que « l’option militaire reste sur la table si les négociations échouent ».
Ce nouveau déploiement n’est absolument pas nécessaire pour mener les opérations contre les Houthis, le Truman y suffit largement…
Et ce sous une forme ou l’autre : « soit des opérations de sabotage et d’éliminations ciblées menées par le Mossad, comme nous en avons conduites de nombreuses ces dernières années, soit une offensive ouverte par Israël mais avec un plein soutien de Washington ».
D’après ces mêmes sources, c’est dans ce contexte qu’il faut lire l’arrivée sur zone, il y a une semaine, de l’USS Carl Vinson, un deuxième porte-avion américain qui vient renforcer l’USS Harry S. Truman, déjà présent dans la région. « Ce nouveau déploiement n’est absolument pas nécessaire pour mener les opérations contre les Houthis, le Truman y suffit largement… », dit-on.

BELGA
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio et le Premier ministre belge Bart De Wever photographiés lors d’une réunion entre le Premier ministre belge et le secrétaire d’État américain, à Bruxelles, le vendredi 4 avril 2025. (BELGA PHOTO DIRK WAEM).
L’Iran violerait l’actuel accord
Alors, simple application de la « méthode Trump » de manière à faire plier Téhéran ou préparation d’une opération militaire massive. Manifestement, le Pentagone est prêt aux deux options.
Toujours est-il que le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, déclarait ce vendredi à Paris que « les Européens ont une décision importante à prendre très prochainement concernant le rétablissement des sanctions, car l’Iran ne respecte clairement pas l’accord actuel. Ils devraient tous anticiper qu’ils sont sur le point de recevoir un rapport de l’AIEA indiquant non seulement que l’Iran est hors-conformité, mais qu’il est dangereusement proche de l’arme, plus proche que jamais ».
Les Européens ont une décision importante à prendre très prochainement concernant le rétablissement des sanctions, car l’Iran ne respecte clairement pas l’accord actuel.
L’Europe, totalement marginalisée, est la grande absente des discussions en cours. Réduite à rester sur le banc de touche, elle semble, néanmoins, se résigner à l’inévitable. Début avril, devant l’Assemblée nationale, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, n’en faisait pas mystère : « En cas d’échec [des négociations], un affrontement militaire semblerait alors presque inévitable, ce qui aurait pour coût très élevé de déstabiliser très durement la région. ».
En bref, si Téhéran ne cède pas – mais tout reste possible car le régime sait qu’il joue sa survie – c’est bien une nouvelle guerre qui pourrait éclater, dans les semaines à venir, dans une zone d’une importance cruciale pour l’approvisionnement de l’Europe et du monde en pétrole et en gaz.
Hugues Krasner
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Source: LPOST

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