Royaume-Uni: la grève des éboueurs transforme Birmingham en une poubelle à ciel ouvert
Une vue des rues de Birmingham depuis le déclenchement de la grève des éboueurs. D.R.Grève des éboueurs, crise sanitaire et tensions sociales : la deuxième ville d’Angleterre étouffe sous des montagnes de déchets. À Birmingham, les trottoirs ont disparu sous des monticules de sacs noirs. Les déchets débordent des poubelles, certains s’entassent devant les maisons pendant que d’autres s’étalent sur la chaussée. Ici, les ordures ne sont plus un simple désagrément : elles sont devenues un symbole de blocage, de colère, et d’abandon. Depuis le 11 mars, les éboueurs de cette ville de plus de 1,2 million d’habitants ont cessé le travail. Leurs revendications ? L’opposition à une réorganisation du service de collecte, qui entraînerait des pertes de salaire allant jusqu’à 8 000 livres sterling par an (environ 9 400 euros) pour certains agents, selon leur syndicat, Unite. Le 31 mars, face à l’ampleur des dégâts et à l’inquiétude croissante des habitants, le conseil municipal a officiellement déclaré un « incident majeur », invoquant des risques graves pour la santé publique. Mais depuis, rien ne semble changer. Le dialogue est rompu, et les rues restent pleines.
Un conflit social dans une ville à bout de souffle
À première vue, on pourrait croire à un simple mouvement social. Mais la grève s’inscrit dans un contexte bien plus large, celui d’une ville en faillite. Birmingham est, depuis 2023, sous tutelle, incapable de faire face à une montagne de dettes héritées de litiges pour inégalités salariales remontant à plus de dix ans. La ville a également perdu près de 100 millions de livres dans un programme informatique mal géré.
Mon fils de trois ans vomit chaque fois qu’on sort. L’odeur est insupportable. On vit au milieu des déchets, c’est invivable.
Résultat : les services publics sont à genoux. Et les éboueurs, autrefois invisibles, mais indispensables, sont aujourd’hui en première ligne d’un bras de fer politique et financier. Le conseil municipal assure que seuls 17 employés seraient concernés par des baisses de salaire. Le syndicat des éboueurs, Unite, affirme, au contraire, que plus de 150 agents seront touchés. Les négociations ont échoué à plusieurs reprises, et les grévistes sont toujours mobilisés.
Des habitants à bout de nerfs
Dans les quartiers les plus touchés, la colère monte. À Saltley, dans le nord-est de Birmingham, Abel Mihai, jeune père de famille, confie son inquiétude. « Mon fils de trois ans vomit chaque fois qu’on sort. L’odeur est insupportable. On vit au milieu des déchets, c’est invivable ». Sur Osborne Road, Adam décrit une scène d’apocalypse ordinaire. « Les tas de poubelles font presque deux mètres de haut. Les trottoirs sont impraticables. Des rats, des renards, même, des mouettes fouillent les sacs. C’est devenu la norme », renchérit-il.
Partout, c’est la même rengaine : impuissance, exaspération, fatigue morale.
L’ombre d’un conflit syndical plus large
Derrière cette grève se cache aussi un malaise au sein même du syndicat. Plusieurs sources locales affirment qu’un accord aurait pu être trouvé avec les représentants de deux des trois dépôts municipaux de camions-poubelles. Mais l’intervention de la direction nationale d’Unite aurait bloqué les négociations dans le troisième dépôt, entraînant l’échec de l’ensemble du processus.
Les tas de poubelles font presque deux mètres de haut. Les trottoirs sont impraticables. Des rats, des renards, même, des mouettes fouillent les sacs.
Le syndicat dément catégoriquement. Mais la question divise. Même Angela Rayner, vice-première ministre travailliste, en déplacement à Birmingham, a appelé le syndicat à accepter l’offre « significativement améliorée » du conseil municipal. « Cette grève cause trop de misère aux habitants », a-t-elle déclaré.
Une ville entre austérité budgétaire et tensions sociales
Cette crise peut sembler lointaine vue de l’étranger. Mais elle résonne étrangement avec des problématiques européennes : sous-financement des collectivités locales, pression sur les services publics, rupture du dialogue social, colère populaire face à l’inertie politique.
À Birmingham, ce ne sont pas seulement les ordures qui s’amoncellent. C’est le symptôme d’un modèle à bout de souffle, dans une ville prise au piège entre austérité budgétaire et tensions sociales.
La question n’est plus de savoir quand les camions repasseront. Mais si, une fois les rues nettoyées, la confiance entre les citoyens, les syndicats et les élus pourra être, elle aussi, restaurée.
Les grévistes se prononceront lundi 21 avril par vote sur un « accord partiel » en vue de mettre fin à la grève.
Dans une ville autrefois surnommée « l’atelier du monde », les rues sont devenues impraticables. Les marteaux se sont tus, les sacs-poubelle éclatent en silence. Les rats, plus gros que des chats, rôdent entre les trottoirs submergés.
Le génie industriel a laissé place à une logistique de la débrouille et du silence. De part et d’autre de la Manche, les mêmes failles fissurent nos modèles : budgets serrés, services publics à genoux, citoyens en colère.
En attendant, suite à un appel du gouvernement à l’armée, un petit nombre d’urbanistes de bureau fourniront un soutien logistique temporaire. Les soldats ne sont pas déployés pour ramasser les déchets. Les grévistes se prononceront lundi 21 avril par vote sur un « accord partiel » en vue de mettre fin à la grève, a annoncé Unite.
Alexander Seale (à Londres)
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Source: LPOST
