Le Premier ministre, Rishi Sunak, et son opposant, Keir Starmer, se sont affrontés lors d’un débat sans grand vainqueur


Le Premier ministre, Rishi Sunak, et son opposant, Keir Starmer, se sont affrontés lors d’un débat sans grand vainqueur
Ce mardi soir, mardi 4 juin, a eu lieu sur la chaîne britannique ITV le grand débat opposant le Premier ministre conservateur, Rishi Sunak, candidat à sa réélection, à son adversaire travailliste, Keir Starmer. La confrontation avait pour but d’exposer les grandes lignes du programme des deux hommes qui se disputent la course pour le 10 Downing Street. Sur la forme, bien que les débats politiques britanniques soient réputés plus sages et courtois que dans le reste de l’Europe, celui de ce mardi a pris des airs de cour d’école, comme l’ont souligné plusieurs spectateurs. Les positions sont très tranchées entre les deux hommes sur les questions des soins de santé et la façon de mettre fin à l’immigration illégale.
Débat sans grand vainqueur
La présentatrice a dû jouer les arbitres et rappeler à plusieurs reprises de ne pas s’interrompre. Selon un sondage effectué après le débat, 61 % des téléspectateurs se sont déclarés « frustrés » par le débat.
Les deux hommes avaient en effet 45 secondes chacun pour répondre aux questions qui leur étaient posées, mais le format n’a pas été concluant, beaucoup de téléspectateurs ont soulignés que Rishi Sunak avait été autorisé à parler plus que son adversaire travailliste.
Keir Starmer, étant donné son avance dans les sondages, n’avait qu’une seule chose à faire : ne pas commettre de grosses erreurs pendant ce premier débat.
Sur le fond, est-ce qu’un des candidats s’est particulièrement démarqué et est ressorti grand gagnant de la confrontation ? Eh bien non, comme l’analyse l’éditorialiste politique, Ben Kentish de la radio LBC. Il souligne que « Keir Starmer, étant donné son avance dans les sondages, n’avait qu’une seule chose à faire : ne pas commettre de grosses erreurs pendant ce premier débat, et il n’a pas fait de grandes erreurs stratégiques. Mais il n’a pas été brillant non plus. Rishi Sunak, en revanche, avait beaucoup plus à perdre. S’il s’est montré plus dominant pendant le débat en invectivant plusieurs fois Keir Starmer, il n’a pas réellement causé de dommages au travailliste ».
Le débat s’est axé sur trois thématiques dominantes : la taxation et le coût de la vie, le système de santé publique qui est en faillite et l’immigration illégale.
Sur le coût de la vie
Alors que le Royaume-Uni est en proie à une inflation et une crise du coût de la vie parmi les plus importantes d’Europe, avec la combinaison du Brexit et du Covid qui ont fortement impacté l’économie britannique, c’est donc la thématique qui a dominé le débat.
Une femme, présente dans l’assistance, a interpellé les deux hommes sur le coût de la vie en expliquant qu’elle a du mal à joindre les deux bouts, alors qu’elle et son conjoint ont, chacun, un salaire. Elle explique aussi qu’elle cuisine le week-end pour ne pas avoir à utiliser son four pendant la semaine à cause du coût de l’énergie.

AFP
Le chef du parti travailliste, principal parti d’opposition britannique, Keir Starmer, prononce un discours à Glasgow le 24 mai 2024 pour lancer la campagne du parti travailliste écossais avant les élections générales du 4 juillet. (Photo par ANDY BUCHANAN / AFP).
Keir Starmer, le travailliste, a répondu que Rishi Sunak vit en dehors des réalités, puis il l’a attaqué sur le timing de l’élection : « Pourquoi croyez-vous que Rishi Sunak a décidé de déclencher une élection maintenant ? C’est parce qu’il ne croit pas à la viabilité de son propre plan économique. Il sait que l’inflation va de nouveau augmenter et ce qu’il ne vous dit pas, c’est que les prix de l’énergie vont eux aussi de nouveau augmenter d’ici l’automne ».
Mon plan est en train de fonctionner ! L’inflation est redescendue, les salaires augmentent et les taxes diminuent. En revanche, si vous choisissez d’élire Keir Starmer, il augmentera vos taxes de 2000 £ par personne.
Rishi Sunak a rétorqué : « Mon plan est en train de fonctionner ! L’inflation est redescendue, les salaires augmentent et les taxes diminuent. En revanche, si vous choisissez d’élire Keir Starmer, il augmentera vos taxes de 2000 £ par personne ».
Keir Starmer lui a rappelé que depuis le début de son mandat il y a deux ans, Rishi Sunak a augmenté les taxes 26 fois et qu’elles ont atteint leur niveau le plus haut depuis 70 ans. Le Premier ministre sortant, qui a réitéré à de nombreuses reprises ce chiffre d’une augmentation des taxes de 2000 £ par personne, a été vivement critiqué puisque ce chiffre n’a ni été vérifié, ni sourcé tout au long du débat.
Sur le service de santé publique
Le service de santé publique britannique, le NHS, est dans un état désastreux, avec plus de 7,5 millions de personnes sur une liste d’attente pour recevoir des soins.
C’est donc sur cette question des listes d’attente qu’un participant, qui explique avoir perdu un membre de sa famille alors qu’il était sur la liste d’attente pour obtenir un acte chirurgical, a interpellé les deux hommes : « Le NHS est détruit, combien de temps cela va-t-il prendre pour le reconstruire ? »
Rishi Sunak reconnaît le constat: « Oui, le NHS a été détruit notamment par le Covid, et malheureusement cela va prendre du temps pour le reconstruire. Mais sous mon gouvernement, nous avons déjà réussi à réduire le temps des listes d’attente ». Keir Starmer a rétorqué : « Au début du mandat de Rishi Sunak, il y avait 7,2 millions de personnes sur liste d’attente, il y en a maintenant 7,5 millions, et il se dit bon en maths ! Il va falloir m’expliquer comment le temps d’attente a été réduit ».
Rishi Sunak s’est justifié davantage : « Le NHS a aussi été extrêmement impacté par les manifestations des médecins, alors que nous leur avons proposé une offre d’augmentation de salaire très généreuse ».
Keir Starmer a objecté : « C’est toujours de la faute des autres. L’état dans lequel le NHS a été mis en 14 ans de pouvoir conservateur est impardonnable. Nous devons résoudre le conflit avec les médecins du NHS de manière adulte en discutant calmement autour de la table des négociations, ce que votre gouvernement a refusé de faire avec les manifestants ».
Le NHS a aussi été extrêmement impacté par les manifestations des médecins, alors que nous leur avons proposé une offre d’augmentation de salaire très généreuse.
En effet, nous évoquions, il y a un an ici, les médecins du NHS sont toujours en grève dans un mouvement social inédit, et il est vrai que le gouvernement conservateur a plusieurs fois refusé de négocier avec les grévistes en expliquant qu’il ne « marchanderait pas ».
Il faut aussi rappeler que les listes d’attente, de plus en plus longues, du NHS coûtent la vie à 500 personnes par mois par faute de soin à temps.
Enfin, à la question un peu plus personnelle et assez révélatrice des valeurs des deux hommes : Si un membre de votre famille était sur liste d’attente pour une chirurgie, auriez-vous recours à la médecine privée ? Rishi Sunak a répondu oui sans hésitation. Keir Starmer a répondu de manière tout aussi franche : « Non, le NHS fait partie de mon ADN, ma femme y travaille et je n’aurais jamais recours à la médecine privée ».
Sur l’immigration
Un autre sujet majeur du débat a été l’immigration illégale qui a atteint des records, alors même que le Royaume-Uni avait voté le Brexit dans le but de « reprendre le contrôle de ses frontières ».
« Nous n’avons jamais eu des chiffres aussi élevés en matière d’immigration illégale. C’est encore une promesse non tenue de Rishi Sunak. Juste cette année, 10 000 personnes ont traversé la Manche en bateau illégalement alors que Rishi Sunak avait explicitement promis qu’il ‘stopperait les bateaux », a attaqué Keir Starmer.
Il faut s’attaquer aux gangs de passeurs qui profitent des personnes en situation d’extrême vulnérabilité et qui s’enrichissent en mettant leurs vies en danger.
Rishi Sunak a défendu son plan d’immigration vers le Rwanda dont nous vous parlions ici : « Depuis l’introduction du plan d’immigration au Rwanda, les chiffres d’immigration illégale ont déjà chuté d’un tiers ce dernier trimestre. Je crois fortement que pour contrôler l’immigration, il faut mettre en place un moyen de dissuasion et c’est ce que j’ai fait ».
Keir Starmer a dévoilé son plan pour réguler l’immigration illégale. « Il faut s’attaquer aux gangs de passeurs qui profitent des personnes en situation d’extrême vulnérabilité et qui s’enrichissent en mettant leurs vies en danger. Ce que je ne ferai pas, c’est mettre en place des lois comme la déportation au Rwanda qui sont coûteuses et qui sont des écrans de fumée ».

AFP
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’exprime lors d’un événement commémoratif national britannique pour marquer les commémorations du 80e anniversaire du débarquement amphibie allié (débarquement du jour J) en France en 1944, à Southsea Common, à Portsmouth, dans le sud de l’Angleterre, le 5 juin 2024. (Photo par Kin Cheung / POOL / AFP).
Sur la jeunesse
Enfin, les deux hommes ont été confrontés à la dure réalité de la jeunesse du pays par un jeune spectateur qui explique avoir fait ses études sous restrictions pendant le Covid et qui se retrouve dans une crise du coût de la vie et dans un contexte national et international de plus en plus incertain. Il a invectivé les deux politiciens en leur demandant : Quand est-ce que la jeunesse deviendra votre priorité ? « Nous nous assurerons qu’il y ait plus d’emplois disponibles pour les jeunes après leurs études. Nous construirons aussi plus d’habitations pour que les jeunes n’aient plus à attendre en moyenne jusqu’à leurs 36 ans avant de pouvoir devenir propriétaires. Mais ce que je ne ferai pas, c’est vous envoyer au service militaire comme ce que le Premier ministre veut faire. Oubliez l’université, il veut vous envoyer à l’armée ! », a répondu Keir Starmer.
Alors que Rishi Sunak assume le retour du service militaire, l’audience a pouffé de rire, car ce projet a été largement rejeté par les électeurs. « Nous devons faire plus pour que les jeunes générations bénéficient des opportunités qu’elles méritent. Et oui, nous mettrons en place un nouveau service militaire que je pense formateur pour les jeunes. Au-delà de cela, je peux garantir la sécurité financière des jeunes en n’augmentant pas les taxes », a-t-il poursuivi.
Que faut-il conclure du débat ?
Ce premier débat entre le travailliste et le conservateur n’a pour l’instant pas semblé faire une grande différence dans les sondages qui restent les mêmes et donnent donc une avance considérable aux travaillistes. Mais dans l’ensemble, au-delà du format qui n’était pas idéal, ce sont les postures des deux candidats qui été intéressantes. D’un côté, le travailliste Keir Starmer s’est positionné au-dessus de la mêlée et est resté calme face aux invectives de Rishi Sunak, mais il n’a pas forcément réussi à s’étendre sur le fond et n’a pas toujours su donner un plan concret face à Sunak.
Beaucoup de téléspectateurs ont aussi noté que le comportement dominant de Rishi Sunak pourrait en fait le desservir en ancrant un peu plus l’image d’un homme hautain en dehors des réalités de la vie quotidienne.
De l’autre, Rishi Sunak s’est montré plus dominant et agressif que prévu et a réussi à exposer un plan clair sur la plupart des sujets, mais n’a pas réussi à convaincre sur le fond, comme lors de sa réponse sur les listes d’attente du NHS ou sur le service militaire.
Beaucoup de téléspectateurs ont aussi noté que le comportement dominant de Rishi Sunak pourrait en fait le desservir en ancrant un peu plus l’image d’un homme hautain en dehors des réalités de la vie quotidienne de ses concitoyens.
Ce débat marque le début d’une campagne avec, d’un côté, les travaillistes qui n’ont pas beaucoup à faire pour convaincre et, de l’autre, les conservateurs qui s’accrochent désespérément au pouvoir quitte à se ridiculiser.
Léna Job (à Londres)
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Source: LPOST

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