G20 : le PM Modi prépare le 18ème sommet et s’en sert pour vanter encore plus les atouts de l’Inde
Le prochain sommet des dirigeants du G20, le 18ème du nom, se tiendra à côté de New Delhi, en Inde, les 9 et 10 septembre prochain. Son teaser : « Un monde, une famille, un futur»[1]. Après le sommet du G7 de Hiroshima, au Japon, qui a eu lieu en mai dernier et qui regroupait les 7 nations les plus industrialisées au monde, dont l’Inde, l’attention sera à nouveau concentrée sur les pays émergents en pleine « permacrise » planétaire. Ce « sud global », qui pèse démographiquement près des 2/3 de l’humanité attise la convoitise de l’Occident comme de ceux qui le défient. Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, les camps se sont radicalisés, et les Américains, comme les Européens, cherchent à rallier à leur cause « antirusse » davantage de pays encore. Delhi est clairement dans la ligne de mire plus que Pékin, largement perdue à leur cause.
L’Inde, pays hôte, sera donc avec ce G20 encore plus au carrefour de toutes les tentatives de séduction de part et d’autre de New Delhi, d’autant que la capitale indienne tentaculaire essaie de se positionner depuis plusieurs mois à la fois comme un médiateur de crises mais également comme une passerelle entre les deux mondes qui sont en train de s’affronter actuellement. Mais, reconnaissons-le, l’Inde depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou n’applique aucune des sanctions occidentales contre la Russie. Pire ou mieux : elle profite largement des prix du brut de pétrole russe pour se fournir allègrement à moindre coût depuis le début de la guerre. En juin dernier, les deux dirigeants s’entretenaient encore par téléphone. Certains considèrent l’Inde comme le troisième sommet crucial du triangle contre-économique imparfait des Occidentaux, le chaînon manquant à une hypothétique reprise des discussions avec un Orient honni.
Un pays de 1,4 milliard d’habitants
Vu d’Europe, l’Inde est lointaine et encore en plein développement. C’est vite oublier que récemment, elle a décroché la première place démographique du podium mondial avec une population de près de 1,408 milliard d’habitants, alors que depuis des décennies, la Chine trônait sur un piédestal jusque-là imbattable, jouant de sa pression démographique pour orienter son nouvel agenda politique et géostratégique mondial vers les deux pôles désaimantés du globe.
Vu d’Europe, l’Inde est lointaine et encore en plein développement.
La guerre psychologique que se livrent Etats-Unis et Chine pour la première puissance mondiale a permis, dans l’ombre, à Delhi de placer ses pions petit à petit. C’est le fait d’un homme, le Premier ministre Narendra Modi, ancien vendeur de thé à six ans à Vadnagar dans le Gujarat, hissé au rang et à la stature de dirigeant international qui compte plus que jamais dans le concert des nations. Le G20 qui se prépare activement depuis des mois en Inde, a vu l’accueil depuis des semaines déjà de nombreuses délégations des pays les plus puissants du monde un peu partout dans le pays de Mumbay à Delhi, en passant par Pune et Chennai, ou bien encore à Goa ou Bangalore. On y parle développement, éducation, culture, environnement, économie et droits sociaux, etc. C’est une occasion unique pour le pays de montrer que, sous l’impulsion de son Premier ministre, pourtant controversé en Occident, le pays change, bouge, se modernise et avance à grands pas. On savait l’Inde en quête de suprématie dans le domaine des IT, ces nouvelles technologies indispensables à notre quotidien. On a su, plus étonnamment, lors de la pandémie de Covid-19, que l’Inde était le laboratoire mondial de nos médicaments en Occident.
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Le Premier ministre indien Narendra Modi s’exprime lors de SemiconIndia 2023, au Mahatma Mandir à Gandhinagar le 28 juillet 2023. (Photo prise par SAM PANTHAKY / AFP)
Un pays de contrastes avec de grands chefs d’entreprises
L’Inde, ce sont de grands noms qui ressortent en matière économique. On connait de grands chefs d’entreprises milliardaires, comme Natarajan Chandrasekaran, le dirigeant de l’empire Tata avec un million de salariés et 132 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ou le célèbre Lakhsmi Mittal, le roi de l’acier basé au Royaume Uni et très célèbre en France. Mumbay, l’ancienne Bombay, concentre tous les paradoxes : le plus grand bidonville (« slum ») d’Asie, le fameux Dharavi qui rappellera pour certains le film, « Slumdog Millionaire », et la plus grande proportion de milliardaires du continent asiatique. La ville où les habitants considèrent les rats qui les entourent à la tombée de la nuit comme leurs animaux de compagnie et les nourrissent ! Que se passe-t-il en Inde depuis quelques années ?
Mumbai, c’est la ville où les habitants considèrent les rats qui les entourent à la tombée de la nuit comme leurs animaux de compagnie et les nourrissent !
Narendra Modi, est classé en Occident dans la galaxie prolifique depuis quelques années des dirigeants populistes qui ont le vent en poupe. A l’image d’anciens dirigeants comme Jair Bolsonaro au Brésil, Donald Trump aux Etats-Unis, Boris Johnson au Royaume-Uni, et de tant d’autres en Amérique latine ou en Europe, Modi veut le meilleur pour l’Inde : son Inde, c’est certes surtout celle des Hindous, au vu de la manière dont il défend la fameuse « hindutva », l’identité nationale que certains pourraient qualifier de suprématiste et qui intègrerait les Hindous, les Sikhs, les Jaïns, les Bouddhistes et toutes les religions qui comptent en Inde. Une idéologie souvent considérée comme anti-musulmane, à la défense zélée amplifiée par les tensions au Cashmire avec le Pakistan depuis la partition en 1947.
Réduction de la pauvreté
Mais Modi, c’est aussi une véritable révolution interne dans le pays depuis plusieurs années : l’Inde d’il y a neuf ans, quand il est arrivé au pouvoir, n’est pas celle d’aujourd’hui. La pauvreté a été réduite de 30% en moins de dix ans. Il faut créer au moins 10 millions d’emplois supplémentaires chaque année pour absorber les jeunes entrant sur le marché du travail et le gouvernement n’est pas loin d’y parvenir. Depuis 2017, on assiste à un boom spectaculaire des classes moyennes en Inde. Pendant ce temps, la Chine a permis à ses ressortissants d’atteindre un PIB par habitant de près de 13.000 dollars par an, contre seulement 2.500 pour l’Inde, alors que dans les années 1990, leur PIB étaient équivalents.
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Le président français Emmanuel Macron (à gauche) accueille le Premier ministre indien Narendra Modi lors d’un dîner au musée du Louvre à Paris à l’occasion de la fête nationale française du 14 juillet 2023. (Photo prise par Ludovic MARIN / AFP)
Le grand projet en matière de santé dans le pays, c’est l’instauration d’un régime universel d’assurance santé pour tous les Indiens. Des compagnies françaises comme Axa d’ailleurs participent à ce chantier gigantesque où en 2020, 500 millions d’Indiens n’avaient encore aucune protection sociale. Ce sont souvent des partenariats public/privé qui se mettent en place. Aujourd’hui, avec Axa, ce sont près de 200 millions d’Indiens qui ont une couverture quasiment gratuite[2]. Rappelons qu’en Inde, depuis 60 ans, l’espérance de vie a quasiment doublé, passant de 36 à 72 ans, quand le taux de mortalité a chuté de 25 à 7%.
Ce qui compte c’est la volonté malgré les difficultés : Modi, le velléitaire, vend l’Inde, son économie, son dynamisme, ses technologies, à merveille à l’étranger. De sa présence sur les Champs-Élysées le 14 juillet dernier, sur invitation du Président français Emmanuel Macron pour la fête nationale, à l’achat miracle de 26 avions Rafale, en passant par son déplacement aux Emirats arabes unis dans la foulée, quand on connaît la forte présence des ouvriers indiens dans les pays du Golfe et qui concourent à soutenir leur famille et leur pays depuis le désert, Modi fait feu de tout bois, dans la lignée de tous les dirigeants populistes du moment : « Make India great » diraient certains. Le « again » viendra. La réalité est que Modi, en moins d’une décennie, répond aux besoins de son peuple : il modernise le pays, sécurise ses frontières face à un Pakistan instable, protège son industrie et fait de son pays une usine mondiale, dynamise les nouvelles technologies (l’exemple frappant du téléphone Oppo chinois, et pourtant assemblé en Inde), et se concentre sur ce que le G20 attend de lui : lutte contre la pauvreté, lutte contre les inégalités de genre, défense de l’éducation, protection de l’environnement.
Police féminine contre la violence faite aux femmes
Désormais en Inde, on trouve des « pink patrol », une police féminine chargée de veiller et agir en cas de violence contre les femmes[3]. On trouve aussi partout des campagnes d’affichage carabinées pour lutter contre le réchauffement climatique, l’usage unique des plastiques, l’interdiction de déféquer partout dans les rues, la protection de la faune et de la flore, etc.
Désormais en Inde, on trouve des « pink patrol », une police féminine chargée de veiller et agir en cas de violence contre les femmes.
Ce G20 est placardé actuellement partout en Inde : pas sûr que plus de 10% de la population indienne sache de quoi il s’agit, mais ce qui est sûr, c’est que les dirigeants indiens ont largement profité de l’occasion pour pousser les Etats du pays à se saisir de la question ; les responsables locaux, à respecter et défendre les standards internationaux qui permettront à l’Inde de demain ou d’après-demain de devenir une puissance régionale et mondiale incontournable, avec les défis monstrueux qui sont les siens, et rivaliser avec d’autres pays comme la Chine qui prennent ces standards à rejoindre davantage comme des impératifs moralisateurs occidentaux à fuir que comme de vrais défis mondiaux à relever pour tout un chacun.
Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), du CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense) et du Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm)
[1] https://www.g20.org/en/g20-india-2023/logo-theme/
[2] https://www.axa-assurancescollectives.fr/actualites/inde-systeme-sante-mutation/
[3] https://www.jagranjosh.com/general-knowledge/pink-protection-project-by-kerala-police-for-women-safety-1628600946-1
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Source: LPOST