France : quelle séquence après la mobilisation de ce 1er mai ?


France : quelle séquence après la mobilisation de ce 1er mai ?
D’un côté, l’espoir d’une mobilisation massive. De l’autre, la conviction d’un essoufflement. Et une question en France pour ce 1er mai 2023, avec les défilés pour la Fête du Travail et la 13ème journée de mobilisation contre la loi de réforme des retraites promulguée, voilà deux semaines : y aurait-il un raz-de-marée, comme l’annonçait l’Intersyndicale ? Dans la matinée, la Première ministre Elisabeth Borne posait un tweet : « Bonne fête à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses qui, par leur engagement quotidien, construisent l’avenir de notre pays et nous permettent de faire vivre notre modèle social ». En fin de journée, au moment du décompte et des bilans, ce n’est ni le raz-de-marée, ni le flop avec, pour 300 points de rassemblements, 782.000 personnes en France dont 112.000 à Paris selon le ministère de l’Intérieur, 2,3 millions et 550.000 selon la CGT (Confédération générale du travail)… L’Intersyndicale, qui regroupe les huit principaux syndicats, avait annoncé une journée de mobilisation impressionnante alors qu’une manifestation unitaire n’avait plus été organisée, pour un 1er Mai, depuis 2009, et Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT (Confédération française démocratique du travail), lançait : « On va casser la baraque ! »…
Plus de 100 policiers et gendarmes blessés
Paris, mais aussi Lyon, Marseille, Rennes, Nantes… Et aussi des villes moyennes en Bretagne, dans les Hauts-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes… Des manifestations en matinée (avec 13.000 policiers et gendarmes dont 5.000 à Paris, et des drones en survol) et à caractère familial, et aussi quelques heurts entre forces policières et blackblocs surtout en fin de journée dans la capitale. D’après le bilan (provisoire) dressé par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, au moins 108 policiers et gendarmes ont été blessés en ce jour du 1er mai en France dans le cadre des manifestations, et 291 personnes ont été arrêtées dans l’Hexagone, dont 90 à Paris. Le journaliste, Remy Buisine (Brut) a été touché par une grenade désencerclante.

J’ai pris une grenade desencerclante dans les pieds, très douloureux sur l’instant et quelques bleus. Je vais mieux et bien, merci au street medics pour les soins. Merci pour vos messages. https://t.co/nRNLS4vr0g
— Remy Buisine (@RemyBuisine) May 1, 2023

De récents sondages rappelaient que 60% des Français sont toujours opposés à la loi de réforme des retraites promulguée le 13 avril dernier, et que 75% sont mécontents (dont 47% très mécontents) du président Emmanuel Macron. Des chiffres qui s’expliquent facilement, selon Jérôme Fourquet, analyste politique et directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » de l’IFOP (Institut français d’opinion publique) : « Pour de nombreux Français, une idée fait force selon laquelle les efforts sont toujours demandés aux mêmes ». Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT et surnommée « Queen B », est catégorique : « Ce qui est nécessaire, c’est de retirer cette loi de retraites ». Un propos prolongé par Jean-Luc Mélenchon, le « lider minimo » de LFI (La France Insoumise, gauche radicale) : « Nous récupérerons la retraite à 60 ans… »
Combien de temps durera encore le front commun syndical ?
Au soir de ce 1er mai 2023, une autre question : et maintenant ? Ce mardi 2 mai, l’Intersyndicale se réunit pour décider de l’attitude à adopter : la CFDT par la voix de Laurent Berger a fait savoir qu’elle répondrait favorablement à l’invitation de la Première ministre Elisabeth Borne pour une discussion, alors que la CGT envoie le ballon en touche, s’en remettant à la décision de l’Intersyndicale. Un sociologue, spécialiste des affaires sociales, est catégorique : « Le front syndical se craquelle ». Une sénatrice membre du Parti socialiste (PS) complète : « Les syndicats sont capables de s’entendre et c’est important, mais le problème qui est déjà là est politique. Parce que le président de la République doit redescendre de son nuage… ».
Ce mercredi 3 mai, on attend l’annonce du Conseil constitutionnel sur le RIP 2 (Référendum d’initiative populaire) puis, le 8 juin, la proposition de loi présentée à l’Assemblée Nationale par le groupe centriste LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) pour une abrogation de la loi sur la réforme des retraites…

Les manifestants font d’imagination en ce jour du 1er mai en France. AFP
selon la CGT (Confédération générale du travail), la mobilisation du 1er mai en France a rassemblé prsè de 2,3 millions de manifestants dans toute la France dont 550.000 à Paris. (Photo AFP)
L’extrême droite crée l’évènement au Havre
Et alors que l’Intersyndicale mobilisait avec 300 rassemblements en France, au Havre (Seine-Maritime), ville dont le maire est Edouard Philippe, l’ex-Premier Ministre d’Emmanuel Macron, la Fête de la Nation organisée par le Rassemblement National (RN) faisait également l’événement. Le ton avait été donné dans la matinée par le président du parti d’extrême droite, Jordan Bardella : « On est chez nous ici ». En début d’après-midi dans cette salle pour banquets d’anciens combattants, c’est la présidente du groupe RN à l’Assemblée Nationale, Marine Le Pen, qui attirait toutes les caméras. Les militants finissaient leur déjeuner, serveuses et serveurs glissaient dans les allées, Marine Le Pen arrivait sur une estrade bleue.
Marine Le Pen veut nous faire croire qu’elle parle au nom des travailleurs. Mais il ne faut jamais oublier que les travailleurs, elle n’en a rien à faire…
A l’image de son père Jean-Marie Le Pen lors de la présidentielle 2002, des super-patrons américains Steve Jobs ou Bill Gates et de Xavier Niel, le propriétaire de Free présentant sa nouvelle box, l’ancienne présidente du RN arpente l’estrade. Comme une (mauvaise) comédienne aspirant à une place dans un Conservatoire dramatique, elle se lance dans une longue tirade de 40 minutes. Favorite des sondages depuis janvier dernier et le début de la séquence contre la loi de réforme des retraites, elle a déroulé un discours (écrit par Philippe Olivier, député européen et longtemps conseiller de Jean-Marie Le Pen) alignant les grands classiques du Rassemblement National et quelques punchlines parfaites pour un one-woman-show. Exemples : « C’est votre combat, c’est notre engagement », « J’adresse mon salut à la France laborieuse et studieuse », « Les Français ont le sentiment d’être livrés aux prédateurs »… Et à la 11ème minute de son discours, elle lance : « La cause de nos maux tient en un mot : Macron », et aussi : « Emmanuel Macron voulait mettre le pays en marche, il l’a mis en panne. La France est paralysée ».
Une certitude : très discrète pendant toute la séquence sur la loi de la réforme des retraites, Marine Le Pen est en campagne pour les élections européennes en juin 2024 et présidentielle en 2027. Ce qui fait dire au syndicaliste Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT : « Elle veut nous faire croire qu’elle parle au nom des travailleurs, elle nous a fait le coup en ce 1er mai 2023. Mais il ne faut jamais oublier que les travailleurs, elle n’en a rien à faire… ».
Serge Bressan (à Paris)
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Source: LPOST

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