Tarabella derrière les barreaux: deux poids, deux mesures


Tarabella derrière les barreaux: deux poids, deux mesures
Placé en détention depuis le 11 février dernier, à la prison de St Gilles d’abord, puis transféré, depuis peu,  à celle de Marche-en Famenne, le député européen et bourgmestre d’Anthisnes Marc Tarabella (exclu du PS) a vu sa détention préventive prolongée d’un mois par la chambre des mises en accusation le 3 mars dernier. A la prison de Haren, l’ex-vice-présidente grecque du Parlement européen, Eva Kaili, maman d’une enfant de deux ans, en est à son 115ème jour de détention. Les deux élus sont soupçonnés d’avoir intercédé en faveur du Qatar et du Maroc dans des décisions du Parlement européen depuis plusieurs années, moyennant des versements substantiels d’argent.
Pour rappel, c’est suite aux confessions de l’ancien eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri, personnage central de ce réseau de corruption présumé, qui soutient avoir donné à Marc Tarabella entre 120.000 euros et 140.000 euros en liquide afin qu’il appuie notamment ses positions en faveur de la Coupe du monde au Qatar, que tout a basculé très vite. Trop vite peut-être ?
Chacun appréciera le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire. Et il est normal que la justice jouisse d’une indépendance sans faille. Néanmoins, selon  l’avocat du bourgmestre d’Anthisnes, en dehors de ces accusations, il n’existerait aucune autre preuve matérielle, et son client n’a jusqu’à présent pas fait le moindre aveu. Marc Tarabella est toujours, comme le veut la formule consacrée, présumé innocent des faits qui lui sont reprochés. Ce dernier continue d’ailleurs à démentir toute implication dans le système de corruption du Qatargate. Néanmoins, coupable ou non, l’homme est passé des coulisses de la lumière à l’ombre derrière les barreaux comme le plus dangereux criminel. Que faut-il en penser ?
Sans blanchir, les yeux fermés, les agissements possibles qui lui sont reprochés, on est en droit de ne pas comprendre le maintien de cette détention. La détention préventive est en opposition avec la présomption d’innocence. Certes, avec l’ère des réseaux sociaux, cette dernière est aujourd’hui foulée aux pieds, or, la présomption d’innocence fait partie des principes fondamentaux de notre démocratie. Par ailleurs, d’autres ont du mal à comprendre pourquoi dans certains dossiers impliquant des hommes et des femmes publiques ou politiques ou non, il n’a pas été fait application de la détention préventive. Certaines personnalités seraient-elles intouchables? Ou bien les juges qui n’ont pas eu recours à la détention préventive dans leurs dossiers ne seraient-ils pas plus en phase avec notre Etat démocratique ?
Dans le dossier visant l’ex greffier du Parlement wallon, suspendu de ses fonctions depuis septembre dernier, les scandales dénoncés sont multiples et variés: mauvaise gestion, dépenses excessives et discutables, suspicions de harcèlement…Les accusations portées contre lui ne sont pas négligeables, pourtant, il a simplement été écarté, tout en continuant à percevoir jusqu’il y a peu son salaire de près de 9.000 euros/mois et de bénéficier d’ avantages  Sa suspension a été prolongée de six mois le 15 mars dernier, une suspension assortie tout de même et enfin d’une retenue de traitement égale à 20% de sa rémunération. Soit, le maximum légal autorisé en vertu de son statut d’agent du Parlement. Ce dernier est, lui aussi, toujours présumé innocent. A chacun de se faire une opinion.
Chez nous encore, des personnalités comme l’actuel ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), démissionnait simplement, en 1995, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, après les révélations du magazine flamand, Knack, lesquelles reconnaissaient que l’homme avoir eu connaissance d’informations compromettantes concernant le dossier de corruption Augusta, sans avoir rien dit aux enquêteurs de l’époque.  Quatre ans plus tôt, il avait ordonné au trésorier du SP de l’époque de brûler 5 millions de francs belges conservés dans un coffre de la banque Codep. Cette demande illégale est punissable d’une peine d’emprisonnement et d’une amende…Simplement forcé de démissionné,  l’homme reviendra aux affaires, plus fort que jamais, piano piano quelques années plus tard.
Alors que penser du séjour à l’ombre de Marc Tarabella? Quel est l’objectif visé par le législateur dans le cadre d’une détention préventive prolongée : éviter la fuite des suspects, empêcher que des protagonistes soupçonnés dans un dossier se parlent afin de coordonner leurs versions, protéger des sources?… Aujourd’hui, elle est plus souvent utilisée comme moyen de pression pour faire craquer un suspect. Est-ce le but ? La fin justifie-t-elle les moyens ?
La question mérite d’être posée. Dans le dossier du Qatargate, des suspects en aveux sont relâchés: Niccolo Figa-Talamanca, secrétaire général de l’ONG « No Peace Without Justice », inculpé pour des faits de corruption, blanchiment et participation à une organisation criminelle; Francesco Giorgi, assistant parlementaire et compagnon d’Eva Kaili (il est passé aux aveux dans le dossier).
Le cerveau présumé du réseau de corruption Pier Antonio Panzeri demeure, lui, en prison malgré l’accord de repenti qu’il a signé. Eva Kaili et Marc Tarabella y sont toujours également.
L’Anthinois, qui continue à clamer son innocence, a désormais le droit de jouer au badminton et de voir plus souvent sa famille. Si sa détention préventive vise à le pousser aux aveux, on peut se demander: jusqu’à quand ce jeu va-t-il durer?
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Source: LPOST

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