25 décembre ou 7 janvier : un Noël géopolitique à deux vitesses en Orthodoxie avec Vladimir Poutine
La trêve unilatérale imposée par Vladimir Poutine à ses soldats les 6 et 7 janvier sonne comme un intermezzo dans le vacarme de la symphonie guerrière déclenchée par Vladimir Poutine le 24 février 2022 contre l’Ukraine. C’est en effet le Noël orthodoxe fêté traditionnellement par les Russes le 7 janvier selon le calendrier julien qui va débuter, alors que nombre de pays à majorité orthodoxe comme la Bulgarie, la Géorgie, ou la Grèce et beaucoup d’anciens satellites de l’ex-URSS l’ont fêté le 25 décembre. Cette date du 7 janvier est arrêtée depuis 1582 et a donc lieu 13 jours après le Noël des Catholiques.
Géopolitiquement, cette trêve annoncée par Vladimir Poutine à l’occasion de Noël est intéressante à plus d’un titre. D’abord, parce que la célébration du Noël orthodoxe a évolué depuis des années au sein du monde chrétien. En effet, nombre de pays ont fait le choix, pour se démarquer avant tout politiquement de la Russie, de le fêter comme les autres Chrétiens du monde entier le 25 décembre.
C’est, dans le cas qui nous intéresse avant tout le cas de l’Eglise d’Ukraine qui, cette année, a autorisé les Ukrainiens à fêter l’arrivée du Christ le 25 décembre. Ce n’est évidemment pas un hasard, vu le chiisme et la crise entre l’église ukrainienne et celle de Moscou depuis le début du conflit. 7000 paroisses ukrainiennes ont donc été autorisées à fêter Noël le 25 décembre dernier. Mais pour Moscou, le 7 janvier reste le grand jour.
Reprise des négociations sous conditions
Alors que peu de voix proposent encore de relancer des cycles de négociations pour venir à bout d’un conflit qui s’éternise et s’enlise, le chef du Kremlin propose une trêve qui concerne donc ses troupes avant tout et, dans le même temps, a évoqué la reprise d’éventuels pourparlers envisageables avec Kiev à condition de tenir compte des acquis territoriaux (de Moscou) et des « nouvelles réalités territoriales ».
En résumé, Kiev doit accepter l’indépendance autoproclamée des quatre territoires à majorité russophone pour discuter de paix. On imagine que pour l’Ukraine, la pilule soit dure à passer, elle qui demande le retour de son intégrité territoriale comme préalable, ce qui peut se comprendre légalement parlant. Mais si l’on continue ainsi la guerre, que l’un ou l’autre gagne, cela ne résoudra rien et ne préparera en rien la paix pourtant indispensable pour la sécurité de l’ensemble du continent européen. C’est aussi dans ce sens que la Turquie a récemment à nouveau proposé trêve et médiation.
Le président russe a ordonné le 5 janvier 2023 un cessez-le-feu temporaire en Ukraine à la veille du Noël orthodoxe suite à une demande du chef spirituel russe, le patriarche Kirill (photo) , selon le Kremlin.; AFP
C’est le patriarche Kirill qui aurait convaincu le président russe Vladimir Poutine de décréter un cessez-le-feu de 36 heures en Ukraine les 6 et 7 janvier à l’occasion du Noël orthodoxe. (AFP)
Solution négociée
Au-delà de Noël, la solution politique négociée est a priori la seule viable, sans quoi, nous basculerons véritablement dans cette fameuse troisième guerre mondiale souvent brandie comme le teaser d’un mauvais film. En attendant, nous attendons. Car, depuis plusieurs mois, ce choix politique de raison peine à creuser son sillon dans les opinions et à infuser auprès des gouvernants occidentaux. Probablement, car ce que Poutine offre comme spectacle au monde, c’est la première convocation de l’Occident au tribunal de l’histoire du 21ème siècle balbutiant. Et cela lui attire, quoi qu’on en dise et qu’on en pense par déni ou effroi, bien plus de soutiens dans le monde que ce que les Européens ne veulent bien admettre. Il faudra revenir à une table pour digérer le champ de bataille.
Le choix clair de Bruxelles et Washington, entre autres, d’armer l’Ukraine a permis au pays agressé de résister, de repousser les Russes et de reconquérir quelques territoires pris rapidement par Moscou dès février dernier. Mais tout cela n’est-il pas un peu artificiel ? C’était une solution provisoire pour un conflit court, ou que l’on espérait court. Or, depuis des semaines, les choses stagnent sans progression spectaculaire d’un côté ou de l’autre et nous basculons déjà dans le temps long. Bientôt, nous serons à sec.
Au fond, plutôt que de radicalement imposer la solution de la négociation, pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky et pour son homologue russe, Vladimir Poutine, qui se rejettent d’ailleurs en permanence la responsabilité de l’impasse, il semblerait que nous ayons totalement démissionné de notre mission première, au regard du droit international, en n’invoquant même plus le système multilatéral ou les Nations-Unies pour régler la paix.
C’est en cela que nous attendons une fois encore en ne faisant que compter les points jusqu’à ce que l’un ou l’autre des camps s’épuise. Dans les deux cas, les conséquences seront dévastatrices. C’est aussi là, à cause de la stratégie de Poutine poussée à l’extrême, malgré toutes les sanctions possibles et inimaginables décidées contre Moscou, que nous, Occidentaux, semblons incapables d’apporter d’autres solutions à la guerre.
Sébastien BOUSSOIS
Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l’OMAN (UQAM Montréal) et du NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm)
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Source: LPOST